Chers foyers de Domvs Christiani,
Nous rencontrons autour de nous beaucoup de situations douloureuses : pourquoi tant de nos contemporains, jeunes ou moins jeunes et qui désirent fonder un foyer, tardent-ils voire renoncent-ils au mariage ? Pourquoi aussi tant d’époux renoncent-ils à leurs engagements ?
En cette année que le Pape François consacre au Mariage, nous sommes invités à aborder cette question en vérité : en quoi notre mariage chrétien est-il un signe pour nos contemporains pour les aider à s’engager et à porter du fruit ? Comment témoigner, en actes mais aussi en paroles, de nos choix de vie, souvent exigeants ?
Puisque le mariage chrétien s’enracine dans le mystère de l’Alliance que Dieu a nouée avec son peuple, nous méditerons rapidement ce mystère avant de voir en quoi l’engagement des époux chrétiens les rend témoins de cette Alliance. Enfin, nous proposerons des pistes très pratiques pour incarner concrètement ce témoignage et porter du fruit.
Nous voici donc, chers foyers, revenus cette année aux sources de notre engagement, de notre consentement, de ce « oui » échangé et qui a scellé notre mariage, notre alliance devant les hommes et devant Dieu.
L’Alliance établie par Dieu avec les hommes
I- Une alliance originelle, blessée par le péché
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu Il le créa, homme et femme Il les créa » (Gn 1,27).
Dans ce merveilleux récit de la création, nous comprenons que parce que créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme, dès le commencement, est appelé à partager la vie même de Dieu. Le dessein de Dieu est de partager son intimité avec Adam et Eve : dès les origines, Dieu veut et donc établit une alliance entre Lui et les hommes.
Nous savons que le péché originel de nos premiers parents rompt l’harmonie originelle voulue et créée par Dieu ; cette alliance, cette intimité entre Dieu et ses créatures est rompue. Mais Dieu aime tellement ses créatures qu’Il promet un nouvel Adam dont l’obéissance jusqu’à la mort sur la croix réparera la désobéissance d’Adam. « Si par la faute d’un seul, Adam, tous les hommes connaissent la même « privation », c’est pour que par l’obéissance d’un seul, le Christ, tous soient sauvés et rétablis dans l’alliance d’amour avec Dieu » (Rm 5, 18).
II – Une alliance rétablie en Noé, puis Abraham et Moïse
Néanmoins, cette venue du Christ pour tout restaurer en plénitude sera préparée par l’Ancien Testament, spécialement par les figures de Noé, Abraham et Moïse : en chacun, Dieu rétablira et raffermira déjà l’alliance originelle.
Noé, lointain descendant de Seth, troisième fils d’Adam, était un homme « juste », c’est-à-dire « ajusté » à la volonté de Dieu, qui rappelait à ses contemporains la promesse du Sauveur. Dieu le choisit pour sauver le monde qui courait à sa perte. Après le déluge, il lui commanda de sortir de l’arche, et lui dit : « J’établis mon alliance avec vous et avec vos descendants et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous… Je mets mon arc dans la nuée. Il deviendra le signe de mon alliance avec vous. Et quand plus tard mon arc-en-ciel apparaîtra encore dans la nuée, je me souviendrai de cette alliance éternelle entre Dieu et toute créature vivante sur la terre« . Par le déluge, Dieu veut purifier ses créatures afin de renouer son alliance avec l’humanité qui court à sa perte. Et précisément après le déluge, où l’arche figure l’Église, Dieu rétablit en Noé son Alliance avec tous les hommes.
Environ 1850 ans avant la naissance de Jésus, en Mésopotamie, vit un homme resté fidèle à Dieu, Abraham marié à Sarah, mais déjà âgé et sans descendance. Dieu lui demande de quitter ses terres pour un pays qu’Il lui donnera ainsi qu’à sa « descendance, aussi nombreuse que les étoiles du ciel » « Voici mon alliance avec toi ; tu deviendras le père d’une multitude de peuples… Je te rendrai extrêmement fécond et des rois sortiront de toi. J’instituerai mon alliance entre moi et toi, de génération en génération, une alliance perpétuelle, pour être ton Dieu et celui de ta race après toi« . Ainsi Dieu confirme l’Alliance établie avec les hommes mais cette fois-ci avec un seul peuple, le peuple hébreu, à travers qui toute la terre sera bénie. Cette Alliance se manifeste comme une élection gratuite et un désir de rencontre personnelle avec sa créature. Enfin, Dieu confirme son Alliance par un gage : Isaac, le fils à naître.
Six siècles plus tard, alors que le peuple hébreu est réduit en esclavage en Égypte, Moïse en prend la tête pour l’emmener en terre promise. Après que Dieu a libéré son peuple de l’esclavage, l’a protégé contre l’armée de Pharaon et lui a fait franchir la mer Rouge de façon miraculeuse, Il continue à le protéger dans le désert en le nourrissant de la manne. Cependant, les Hébreux récriminent face aux difficultés qu’ils rencontrent et regrettent leur condition d’esclaves. Dieu apparaît alors à Moïse au Mont Sinaï et lui livre les tables de la Loi. Dieu confirme son Alliance avec les hommes. Ici, le peuple, en germe seulement jusqu’à présent, est constitué et la loi est donnée comme cadre de l’Alliance.
Ces trois Patriarches de l’Ancienne Alliance ont en commun leur obéissance confiante à la volonté divine. À chaque sortie d’épreuves, ils offrent à Dieu un sacrifice, en actions de grâces. Sacrifices de l’Ancienne Alliance qui figurent celui du Christ : l’alliance des époux sera elle aussi confirmée dans le sacrifice, celui du Christ, mais aussi celui de leur offrande totale l’un à l’autre.
Dans ces pages de l’Ancien Testament, Dieu se révèle à nous comme absolument fidèle à son Alliance originelle. Malgré nos infidélités nombreuses, Dieu se montre patient à notre égard pour couvrir nos fautes et nous amener progressivement à découvrir la totalité de son dessein. Il dévoile enfin son infinie générosité à notre égard : dans cette Alliance, c’est Lui-même qu’Il veut donner, et à tous les hommes.
Les prophètes ont annoncé la rédemption du peuple et un salut qui s’étendra à toutes les nations dans une « Alliance nouvelle et éternelle » (Jr 31, 31-34). Du peuple d’Israël, naîtra Jésus, le Messie, en qui tout s’accomplira en plénitude.
III – L’alliance accomplie en Jésus-Christ
« Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, afin de nous conférer l’adoption filiale » (Ga 4, 4).
Cette promesse que Dieu avait faite à Abraham et à sa descendance, s’accomplit par l’incarnation du Fils de Dieu. Toute la vie de Jésus sur terre n’aura été que manifestation de l’amour de Dieu pour nous. Jésus, vrai Dieu et vrai homme, nous a révélé par son exemple et ses paroles, Celui qui l’a envoyé.
En Jésus l’Alliance promise est désormais parfaite : il a épousé dans son cœur l’amour de Dieu pour tous les hommes qu’Il a aimés jusqu’à la fin, « car il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13). Ainsi Jésus s’est librement offert à son Père en expiation des péchés de tous les hommes, qui sont rendus en vérité justes et amis de Dieu. Désormais, c’est toute l’humanité que Jésus est venu racheter, et non plus un peuple seulement.
Cette nouvelle alliance accomplie par Jésus est essentiellement nuptiale : en assumant notre nature humaine, Jésus épouse l’humanité ; et sur la Croix, il purifie et vivifie l’Église pour la prendre comme épouse : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église : Il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant. » (Ep 5,25-26)
Et ceci transforme profondément la condition du mariage au sein de la nouvelle Alliance ! L’engagement et la fécondité acquièrent une dimension nouvelle.
Le mariage chrétien comme témoin de cette alliance renouvelée
I – L’alliance des époux figure de l’Alliance de Jésus-Christ et de son Église
Jésus a non seulement restauré l’ordre initial du Créateur, mais il a élevé le Mariage à la dignité de sacrement et de signe de son amour pour l’Église. L’engagement des époux l’un envers l’autre, dans la soumission mutuelle et la fidélité jusqu’à la mort, les dépasse eux-mêmes : ils sont désormais porteurs et témoins d’un mystère plus grand qu’eux !
Car, par le baptême, l’homme et la femme sont définitivement insérés dans la nouvelle et éternelle Alliance, Alliance nuptiale du Christ avec l’Église. C’est en raison de cette insertion indestructible que la communauté intime de vie et d’amour conjugal fondée par le Créateur a été élevée et assumée dans la charité nuptiale du Christ, soutenue et enrichie par sa force rédemptrice.
En vertu de la sacramentalité de leur mariage, les époux sont liés l’un à l’autre de la façon la plus indissoluble. S’appartenant l’un à l’autre, ils représentent réellement, par le signe sacramentel, le rapport du Christ à son Église.
Les époux sont donc pour l’Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix. Ils sont l’un pour l’autre et pour leurs enfants des témoins du salut dont le sacrement les rend participants. Le mariage, comme tout sacrement, est un mémorial, une actualisation et une prophétie de l’événement du salut. « Mémorial, le sacrement leur donne la grâce et le devoir de faire mémoire des grandes œuvres de Dieu et d’en témoigner auprès de leurs enfants ; actualisation, il leur donne la grâce et le devoir de mettre en œuvre dans le présent, l’un envers l’autre et envers leurs enfants, les exigences d’un amour qui pardonne et qui rachète ; prophétie, il leur donne la grâce et le devoir de vivre et de témoigner l’espérance de la future rencontre avec le Christ« . (S. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Familiaris consortio, 13)
II – Les piliers du mariage chrétien comme témoignage particulier
Les quatre piliers du mariage constituent le socle de notre engagement. Et il est saisissant de voir à quel point ils reflètent chacun un aspect de l’amour de Dieu pour nous :
En pleine liberté, les époux échangent leurs consentements, à l’image de Dieu dont l’amour pour nous est absolument libre, sans rien qui le précède et puisse le « commander ».
Par la fidélité, les époux se réservent l’un pour l’autre un amour exclusif, reflétant en cela l’amour jaloux de Dieu pour nous : Il nous veut pour Lui et que nous L’aimions en premier (Messire Dieu, premier servi !).
L’indissolubilité rend les époux unis l’un à l’autre jusqu’à la mort, quelles que soient les épreuves à surmonter ou les fautes à pardonner : ceci témoigne que Dieu se montre fidèle et longanime envers nous, malgré nos défaillances, dans une miséricorde que rien ne peut épuiser.
L’ouverture des époux à la vie rend fécond leur amour. Ce dernier ne demeure pas un repli égoïste sur un bonheur vécu à deux. Cette générosité rend visible l’amour de Dieu qui donne à son Église de porter du fruit : par l’Esprit-Saint, elle est vierge et mère ! Cette fécondité se réalise aussi bien dans l’accroissement du peuple de Dieu par la distribution des sacrements, que dans la louange spirituelle qu’elle lui adresse en union avec les Anges.
L’engagement total et la fécondité sont donc à la fois un don de Dieu aux époux, et une responsabilité qu’Il leur confie. Leur amour est inséré dans le mystère de l’amour divin pour toute l’humanité, et devient un bien pour toute l’Église : les hommes perçoivent notre engagement et notre fécondité comme le témoignage du Salut offert. À nous de nous fonder dans le Christ pour y être fidèles !
III – Comment vivre l’engagement et la fécondité du mariage ?
Afin d’être fidèles à cette mission de témoin de l’amour de Dieu pour l’Église, voici quelques pistes pour enraciner cet amour de Dieu dans notre vie conjugale, familiale et sociale :
Entre époux
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- Nourrir la vie spirituelle (sacramentelle, prière conjugale, retraites, PEM…)
- Rechercher l’union des cœurs préalable à l’union des corps (écoute, pardon, mort à soi-même, sollicitude pour le soutien mutuel, pratique d’activités communes…)
- Avoir une fécondité « responsable » (ouverture à la vie, méthode naturelle de régulation des naissances, accueil de l’infertilité dans un esprit surnaturel …)
En famille
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- Témoigner auprès des enfants d’un amour conjugal riche entre les parents
- Éduquer à la liberté et à la responsabilité
- Favoriser un climat de confiance et d’affection (esprit de vérité, choix des amitiés, relations intergénérationnelles…)
- Hiérarchie des activités (travail, paroisse, scoutisme, sport, jeux, …)
- Expérimenter le don de soi
- Soigner l’éducation sentimentale et sexuelle des enfants
Dans la cité
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- Assumer paisiblement ses choix de vie et donner le témoignage de la fidélité dans les épreuves
- S’engager au sein d’écoles, paroisses, œuvres pro-vies… et tenir son engagement
- Bannir la mondanité et l’esprit de consommation
- Pratiquer l’entraide effective
En conclusion, chacun d’entre nous a été créé par amour et pour l’Amour !
Notre marche vers la béatitude éternelle est semée d’épines mais aussi de roses
« Votre joie, nul ne vous la ravira »
Notre Dame du « oui », priez pour nous !
Notre Dame de la Sainte Espérance, convertissez-nous !
Bonne et sainte année Domvs !
La Coordination Générale