Les travaux dirigés (TD) sont une des 3 possibilités de formation offertes par Domvs Christiani avec la présentation d’un topo et la Lectio Divina. Retrouvez ci-après dans cet article les différents TD proposés les années passées.
Comment procéder ?
Chaque foyer télécharge sur le site le « kit 1 », c’est-à-dire les documents relatifs à ce TD et le prépare avant la réunion du groupe.
Le PCS (Prêtre Conseiller Spirituel) ou le foyer qui a prévu d’assurer « l’accompagnement » de ce TD le prépare de la même façon, tout en demandant le « kit 2 » (conseils doctrinaux et pédagogiques), disponible au secrétariat de Domvs (secretariat@domuschristiani.fr) à compter d’octobre.
La « mise en commun » vient après et constitue seulement un approfondissement.
Les 6 TD à disposition (2023-2024) :
TD 1 : L’amour fraternelTD 2 : La charité conjugale TD 3 : La paix
TD 4 : La correction fraternelle TD 5 : Le péché de dispute TD 6 : Vivre et témoigner de sa foi
Cinq TD sont disponibles pour 2022-2023 :
TD 1 : Famille et espérance TD 2 : Famille et foi TD 3 : Famille et charité TD 4 : Travail et repos en familleTD 5 : La famille autour de l’Eucharistie
1er TD : Famille et espérance
Le « kit 1 » contient :
- TD1 : le questionnaire qui oriente librement ce TD,
- TD2 : prédication du Père Luc-Thomas Somme à ND des Armées, carême 2002
- TD3 : extraits de la Foi en famille de Christine Ponsard
Préparation en foyer
I – Formation générale
- À partir de l’acte d’espérance (à trouver dans un missel des fidèles ou dans un catéchisme) et de la conférence du Père Luc-Thomas Somme (voir en Annexe), élaborer une définition de la vertu théologale d’espérance.
- Citez des passages de la Sainte Écriture parlant de l’espérance en Dieu. Lesquels vous touchent le plus et pourquoi ?
- Pensez-vous que la mentalité contemporaine dispose bien à l’espérance ? Quels risques courent nos contemporains sur ce point ?
II – Vie conjugale et familiale
- De quelle façon peut-on pécher contre l’espérance, comme époux ou comme parents ? Donnez des exemples.
- Peut-on tout demander dans la prière ? Seul ? À deux ? En famille ?
- Peut-on et doit-on espérer le Ciel pour son conjoint, pour son enfant ? N’est-ce pas forcer leur liberté ?
- Pourquoi l’espérance est-elle souvent liée aux épreuves que nous vivons en famille (deuil, chômage, accident, etc.) ? N’est-ce pas paradoxal ?
- Comment aider un conjoint ou un enfant désespéré ?
- Devons-nous aborder le sujet de la mort avec nos enfants ? De quelle façon ?
- Donnez des idées concrètes pour affermir familialement l’espérance surnaturelle.
Annexes
1- Prédication du P. Somme
Père Luc-Thomas Somme, o. p., Prédication de Carême 2002 à Notre-Dame-des-Armées, Versailles
(texte publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Les titres sont ajoutés par Domvs Christiani)
La vertu d’espérance
Une ombre diabolique refroidit notre terre : l’affreuse tentation de désespérer. Notre monde désenchanté prend acte des millions de morts que les utopies politiques ont provoqués en un siècle, alors que le progrès des sciences semblait pourtant permettre tous les enthousiasmes. Guerres, famines, épidémies et précarités sociales viennent sans cesse démentir la folle illusion d’une absolue sécurité. Des pays et des continents vivent dans l’insouciance du mauvais riche, tandis que des Lazare meurent affamés des miettes que d’insouciantes omissions ne leur auront pas procurées. Et le bien-être semble sécréter la dépendance envers les paradis artificiels, sa vacuité de sens se manifestant tragiquement par la croissance du taux de suicide dans nos sociétés aisées, et tout particulièrement dans les populations jeunes. Ce noir tableau n’est pas faux. On pourrait le décrire longtemps encore à la manière des nouvelles, toujours assez mauvaises, des journaux télévisés.
Au plan individuel aussi, l’épreuve de la maladie, de la vieillesse et de l’inéluctable rendez-vous avec la mort nous rappelle la fragilité de nos entreprises. Insensé, nous dit Jésus, celui qui amasse présomptueusement, sans vivre dans la vigilance à l’égard du moment – cette nuit même – où il sera dépossédé de son bien. À quoi bon s’agiter ? Naître pour mourir ? L’Ecclésiaste pose déjà un regard désabusé sur cette existence et Job surtout en vient à regretter le jour de sa naissance.
Oh, certes, il y a ce bien précieux, cette incomparable consolation que procure la foi. Elle oriente notre cœur vers notre patrie définitive, vers la Jérusalem céleste, vers cette vision de Dieu qui comblera le plus ardent désir de notre cœur. Mais nous n’avons pas encore atteint ce port et notre prière se fait parfois aride et nous engage sur des chemins éprouvants de silence et d’obscurité. L’acédie parasite les meilleures vies chrétiennes et donne le dégoût de ce qui nous exaltait naguère. Il arrive que le chrétien, tout chrétien qu’il soit, et parce que chrétien justement, en vienne à crier intérieurement, comme le Christ en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». La petite Thérèse, la plus grande sainte des temps modernes, éprouva la tentation de penser que la vie d’ici-bas déboucherait sur le néant. Espérer n’est pas chose aisée et, si ce nous semble tel aujourd’hui, pouvons-nous le présumer de demain ? Nul pécheur n’est si endurci que la grâce ne puisse le convertir en saint, mais nul fidèle n’est assuré non plus de sa persévérance finale : il lui faut la mendier dans la prière.
La nature de l’espérance chrétienne
Antidote invincible contre tout découragement, la vertu théologale d’espérance ancre notre vie spirituelle en la force du Dieu Sauveur. Elle réalise ce que l’épître aux Romains dit d’Abraham : « espérant contre toute espérance ». Ni présomptueuse ni désabusée, elle sait, contre le pélagianisme, que le salut est impossible sans la grâce, et contre le jansénisme, qu’il est objet de légitime confiance de la part de celui qui vit et reste en état de grâce. Saint Thomas d’Aquin explique que ce que l’on espère est un bien futur, difficile, mais possible. S’il nous apparaissait impossible, nous en viendrions à désespérer. S’il n’était pas difficile, notre tendance vers lui serait simplement le désir. S’il était déjà présent, nous en jouirions plutôt que de nous porter vers lui. Or, parmi tous les biens possibles, quel est celui que nous pouvons vouloir au plus haut point, celui qui rassasie en plénitude notre faim, la meilleure part qui ne nous sera jamais enlevée ? Quel est le souverain bien, le terme ultime de notre désir le plus profond ? Dieu, voilà l’objet dernier de notre espérance.
Vertu théologale, elle a Dieu pour origine, pour motif et pour objet. Elle va à Dieu, elle vient de Dieu, elle s’appuie sur Dieu. C’est pourquoi, nous dit l’épître aux Romains, « l’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 5). Voilà pourquoi ce don de l’Esprit, arrhes de l’héritage céleste que le Père communique à ceux qu’il adopte comme ses enfants, motive notre espérance : « Cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle » (Tt 3, 6). Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? Si le Royaume des cieux est commencé au-dedans de nous, comment douterions-nous de la puissance de Dieu en nous ? Rien n’est impossible à Dieu. La mer Rouge s’est ouverte pour sauver le peuple des Hébreux et engloutir les Égyptiens à leur poursuite ; Abraham a obtenu une postérité dans son extrême vieillesse ; une vierge a enfanté un Sauveur ; Dieu s’est fait homme ; Jésus a guéri les malades, ramené son ami à la vie, pardonné les péchés… Rien n’est impossible à Dieu ! Le motif de notre espérance, c’est que Dieu est Dieu, Amour tout-puissant. Plus nous nous remémorons les merveilles du Seigneur, plus nous sommes portés à espérer, car ce qu’il a déjà fait pour nous nous montre ce qu’il est prêt à faire. « Gardons indéfectible la confession de l’espérance, car celui qui a promis est fidèle », comme l’écrit l’auteur de la Lettre aux Hébreux (He 10, 23). La liturgie, où nous célébrons ensemble le don de Dieu, est ainsi une source majeure de notre espérance. La vigile pascale en est le type le plus achevé : toute la tendresse que Dieu a montré envers le peuple qu’il a choisi, toute la puissance de salut qu’il a mise en œuvre, nul doute qu’il ne veuille déployer des effets similaires dans chacune de nos existences, plongées au jour de notre baptême et pour toujours dans le mystère pascal. Oui, s’il est présomptueux de vouloir se passer de la grâce, il ne l’est pas de se confier en elle. Notre espérance est assurée dès lors qu’elle est vraiment théologale, qu’elle porte, non seulement sur Dieu comme la béatitude que nous attendons, mais aussi sur lui comme le secours indispensable pour parvenir à l’achèvement de notre vocation d’enfant de Dieu. « Nous pouvons donc espérer la gloire du ciel promise par Dieu à ceux qui l’aiment (cf. Rm 8, 28-30) et font sa volonté (cf. Mt 7, 21). En toute circonstance, chacun doit espérer, avec la grâce de Dieu, “persévérer jusqu’à la fin” (cf. Mt 10, 22 ; cf. Cc. Trente : DS 1541 ) et obtenir la joie du ciel, comme l’éternelle récompense de Dieu pour les bonnes œuvres accomplies avec la grâce du Christ » (CEC 1821).
Pas d’espérance sans la foi
Par-dessus tout, la foi en la résurrection du Christ est la pierre angulaire de notre espérance en la vie éternelle. Le Christ est le premier-né d’entre les morts, le précurseur de tous ceux qui en lui et avec lui vivront pour toujours avec Dieu. Saint Paul écrit aux Thessaloniciens : « Nous ne voulons pas, frères, que vous soyez ignorants au sujet des morts ; il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance. Puisque nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, de même, ceux qui se sont endormis en Jésus, Dieu les emmènera avec lui » (1 Th 4, 13-14) ; et aux Corinthiens : « S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Mais, si le Christ n’est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi votre foi. Il se trouve même que nous sommes des faux témoins de Dieu, puisque nous avons attesté contre Dieu qu’il a ressuscité le Christ, alors qu’il ne l’a pas ressuscité, s’il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Car, si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et, si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi ; vous êtes encore dans vos péchés. Alors aussi ceux qui se sont endormis dans le Christ ont péri. Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ; le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis » (1 Co 15, 14-20). À la sœur éplorée de son ami Lazare, qui vient de mourir, Jésus déclare : « Je suis la résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu ? » (Jn 11, 25). Notre espérance ne sera vraiment chrétienne que si nous osons répondre affirmativement à cette question, que l’écriture nous a transmise. L’évangile soutient notre espérance. Celui qui se nourrit quotidiennement de la Parole de Dieu ne peut pas errer sans but. Saint Paul parle aux Colossiens de « l’espérance promise par l’évangile que vous avez entendu » (Col 1, 23), et encore : « Cette espérance, vous en avez naguère entendu l’annonce dans la Parole de vérité, l’évangile » (Col 1, 5). Et l’épître aux Romains : « Tout ce qui a été écrit dans le passé le fut pour notre instruction, afin que la constance et la consolation que donnent les Écritures nous procurent l’espérance » (Rm 15, 4). Mais « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous » ; la Parole divine est plus que le texte écrit transmis par les quatre évangélistes. Elle est la personne même de Jésus, mort sur la croix par amour pour nous. Ce que cette Parole nous dit, c’est qu’au moment même où tout paraît fini, où la pierre obstrue le tombeau, l’aube de la résurrection commence à poindre et que l’espérance avait raison de tenir bon, dans la constance. C’est cette même espérance qui fera courir les apôtres vers le tombeau désormais vide : ils se demandent encore s’il faut prendre au sérieux les témoignages des femmes ; ils n’osent pas encore y croire ; ils n’ont pas encore constaté, mais déjà ils se prennent à désirer que ce soit vrai ; ils l’espèrent.
Comment désirer Dieu ?
Comme la foi et la charité, l’espérance est à la fois vertu, et donc à la fois nôtre et intérieure, et théologale, et partant divine et gratuitement reçue. Elle s’accompagne de plusieurs autres dispositions d’âme sans lesquelles elle ne saurait se maintenir et s’épanouir et qui, elles aussi, sont autant de dons de Dieu.
Tout d’abord, l’espérance suppose un vrai désir de Dieu. Au demeurant, l’espérance chrétienne accomplit toute la longue attente, l’impatient désir du peuple de l’ancienne alliance par rapport au salut. Les psaumes et les prophètes ne cessent, sous des images variées, de nous présenter Dieu et la vision de sa face comme le terme ultime du désir du croyant. Car, plus que ceci ou cela, ce que nous espérons n’est autre que Dieu lui-même. Il est présent en nous, nous lui sommes unis et pourtant il ne cesse de nous manquer tant que nous ne le voyons pas et tant que nous pouvons craindre de nous séparer de lui. Oui, tant que nous vivons dans ce temps d’ici-bas, le reniement reste à notre portée et le don de crainte filiale nous fait redouter d’offenser ce Père très aimant qui nous a adoptés comme ses enfants. Le vrai désir de plaire à Dieu va donc avec la crainte de lui déplaire ; l’un et l’autre s’emploient à rechercher et à accomplir sa volonté. C’est pourquoi l’espérance « s’exprime et se nourrit dans la prière, tout particulièrement dans celle du Pater, résumé de tout ce que l’espérance nous fait désirer » (CEC 1820). Si désirer Dieu, c’est avoir faim et soif de lui, nul doute non plus que cela se concrétise au plus haut point dans le sacrement du corps et du sang du Christ ; l’eucharistie est le lieu de notre divinisation et nous y recevons les arrhes de notre héritage d’enfants de Dieu, les prémices de la vie éternelle. Bien des chrétiens éprouvés vivent cela très fortement : la participation au saint sacrifice de la messe et une digne communion leur procurent force et consolation, qu’il s’agisse du cours ordinaire de la vie ou de ses derniers moments lors de l’administration du viatique. Quelle tristesse que l’habitude mondaine de ne pas appeler le prêtre au chevet d’un mourant pour ne pas effrayer celui-ci, alors que rien n’importe plus en ces derniers moments que la consolation et l’espérance que le ministère ordonné peut offrir, par la confession, l’onction des malades et l’eucharistie. N’hésitons pas à exprimer à ce sujet nos claires volontés à nos proches, témoignons de notre faim, de notre soif de Dieu, « aujourd’hui et à l’heure de notre mort », afin de n’être pas privés des voies ecclésiales, sacramentelles, de notre espérance chrétienne.
Enracinées dans l’amour, l’humilité et la confiance
Si l’espérance s’adosse au désir de Dieu, il est clair par ailleurs que celui-ci s’enracine dans l’amour. N’est espéré qu’un bien aimé qui nous manque. En l’occurrence : pas n’importe quel bien aimé : le Bien-Aimé, ce Seigneur qui ne nous appelle plus serviteurs mais amis, parce qu’il fait de nous les confidents de son Cœur, parce qu’il nous donne part à son amour divin. Cela ne signifie pas que, comme dans le cas de la foi, rien ne subsisterait de l’espérance au cas où le péché viendrait à expulser l’amour et la présence de Dieu en notre cœur. Mais, assurément, cette espérance qui ne serait plus vivifiée par l’amour serait anémiée et comme dénaturée si la grâce de Dieu et la présence du Saint-Esprit ne revenaient à demeure en nous. La plante déterrée, la fleur coupée peuvent bien subsister quelque temps, mais sèchent et meurent vite hors de leur milieu vital et nourricier. L’espérance plonge ses racines dans la charité ; déracinée de l’amour, elle fane.
Une autre condition de l’espérance est l’humilité. Si l’une des tentations contre cette vertu est le découragement, une autre, contraire, est la présomption, qui nous fait ignorer la difficulté. En matière de salut, cela se manifeste par la funeste illusion que les mises en garde de Jésus contre la perte éternelle ne seraient qu’hyperboles orientales ou rhétorique archaïque. Derrière la thèse si séduisante, si sympathique et si courante, selon laquelle « nous irons tous au paradis », se cache une erreur extrêmement pernicieuse, un détournement de l’évangile, une évacuation de l’espérance, une négation de la liberté. Inutile de spéculer sur le nombre de ceux qui seront sauvés : la révélation ne veut rien en dire, sinon un appel à la vigilance et à l’espérance, mais gardons-nous de l’orgueil de penser que le salut nous serait dû. Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu de Dieu ? Seul l’humble sait cela.
L’espérance s’appuie encore sur la foi. Nul ne peut espérer Dieu sans croire en lui. Mais la foi implique aussi la confiance et celle-ci est en effet indispensable à l’espérance. Car, si nous sommes néant à l’égard de l’infini, il est déraisonnable d’espérer Dieu d’un autre que Dieu. Là encore, la prière est le meilleur indicateur de notre confiance en Dieu. Demander sans se lasser, frapper sans douter, crier sans se décourager : l’espérance nous soutient dans la confiance et nous procure la constance, la patience, la persévérance.
Être témoins de l’espérance
Si chaque chrétien vit selon toutes ces dispositions, alors l’ensemble de l’Église du Seigneur sera dans le monde une « communauté d’espérance ». Il est frappant, alors même que les chrétiens sont de plus en plus victimes de la dérision, que la voix de la papauté soit pourtant universellement reconnue comme porteuse d’espoir pour la paix, pour le respect et la promotion de la vie et de la dignité humaines. On ne saurait non plus passer sous silence la lutte courageuse de tant de chrétiens, individuellement ou collectivement, contre les tentations de suicide, contre la dépendance à la toxicomanie, contre la marginalisation sociale, contre l’avortement, contre les épidémies mortelles, et cela avec la compassion même de Jésus envers ceux qu’il est venu appeler à la vraie liberté. Quelques articles de rares revues relatent discrètement cette réalité lumineuse du christianisme, mais savons-nous suffisamment être fiers et joyeux de toute cette œuvre de Dieu en son Église ?
Il arrive, plus souvent qu’on ne croit, que cette question soit posée à des chrétiens : « Mais pourquoi faites-vous cela pour moi ? ». Une bienveillance gratuite étonne et peut être l’occasion d’annoncer celui qui est la source, le moteur et la fin de notre vie : Notre-Seigneur Jésus-Christ. La première épître de saint Pierre nous y exhorte : « Sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 15). Oui, notre espérance ne peut pas rester simplement trésor caché, recette secrète, à la manière de ces écoles de bien-être qui fleurissent aujourd’hui et ponctionnent les portefeuilles des anxieux de réussite sociale. Notre espérance est vouée au rayonnement ; elle doit se faire altruiste ou, mieux, charitable. Elle s’enracine dans l’amour, mais elle doit aussi y mener. Nous ne pouvons pas donner à autrui l’espérance théologale, pas plus que la foi ou la charité, mais nous pouvons réconforter, encourager, stimuler, ne serait-ce que par l’exemple. Combien les premières générations chrétiennes ont été marquées par le courage des martyrs ! Aujourd’hui encore certains de nos frères, forts de leur espérance dans la vie éternelle et emplis de l’amour de Dieu, offrent leur vie en signe de leur fidélité à leur Seigneur. Ils sont l’honneur de l’Église, la muette éloquence par laquelle celle-ci prononce le nom béni de Jésus, notre Sauveur, crucifié par amour et ressuscité par la puissance de Dieu. L’espérance, pour personnelle qu’elle soit, ne doit pas manquer d’être saintement contagieuse. Il faut savoir espérer pour autrui.
Il faut savoir encore espérer en autrui. Parce que le chrétien sait que son frère est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, qu’il est appelé à devenir enfant de Dieu, il nourrit à son égard une estime qui va bien plus loin que d’honorer seulement quelques dons naturels. Parce que ce même chrétien se sait pécheur et qu’il ne cesse de se remémorer comme strictement vraie la parole de Jésus – « Sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15, 5) – il se garde de mépriser quiconque avec arrogance et sait que le plus grand pécheur aujourd’hui sera peut-être le plus grand saint demain. Une jeune religieuse vivant parmi les pauvres dans la mendicité me disait récemment la joie qu’il y avait pour elle de recevoir d’un pauvre. On peut acheter une bonne conscience en donnant au pauvre et, ce faisant, on peut aussi le maintenir dans l’humiliation, alors que recevoir le peu qu’il est fier de partager restaure en lui l’estime de soi. Espérer Dieu de Dieu, c’est aussi espérer Dieu en son image. En cette fin de carême, alors que nous croyons que les ténèbres du sépulcre laisseront place à l’aube de Pâques, courons mendier l’espérance, souhaitons-nous l’espérance, à l’instar de saint Paul aux Romains : « Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit Saint » (Rm 15, 13).
2- Extraits de La foi en famille, de Christine Ponsard, EDB, 2001.
Chacun des trois extraits évoque tel ou tel point de l’espérance et de la confiance en famille.
Premier extrait : pp. 19-21 Famille chrétienne : famille de baptisés
« Une famille chrétienne est en route vers Dieu. Peu importe le point de départ, nous sommes sûrs d’arriver au but… à condition de nous mettre en route, de ne pas rester à terre après une chute, d’accepter de reconnaître que nous nous sommes trompés de chemin. « Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin […] La famille a mission de devenir toujours davantage ce qu’elle est, c’est-à-dire communauté de vie et d’amour »[1]. Ce qui nous permettra d’arriver au but, c’est la confiance inlassable avec laquelle nous mettons notre main dans celle de Jésus, en refusant l’autosatisfaction comme le découragement. »
[…]
« Les familles chrétiennes sont appelées à mettre toute leur confiance en Dieu : cela ne veut pas dire attendre en se croisant les bras que Dieu fasse le travail à leur place ! Vivre en chrétien, c’est prier, mais c’est aussi agir au cœur du monde. « En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éternel »[2]. La foi ne nous dispense absolument pas d’acquérir des compétences pour agir efficacement, de retrousser nos manches pour travailler sur cette terre et de nous engager dans la vie politique, l’action syndicale, la recherche scientifique, etc. »
Deuxième extrait : pp. 262-264 Aux parents découragés
« Dieu désire par-dessus tout nous combler de ses dons : savons-nous les lui demander ? Savons-nous lui réclamer inlassablement ce qu’il nous faut pour éduquer nos enfants, chaque jour ? « Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira » (Mt 7, 7). Mais pourquoi demander, vous dites-vous peut-être ? Après tout, Dieu ne sait-il pas ce dont nous avons besoin ? » […]
« Quand nous sommes découragés, quand nous ne savons plus par quel bout prendre un enfant qui nous déconcerte, quand nous avons l’impressions d’être incapables d’assumer nos responsabilités, la première chose à faire – et à refaire, inlassablement – avant de chercher des solutions et des réponses à nos questions, c’est de tout remettre au Seigneur avec confiance. Tout : nos doutes, nos douloureuses interrogations, nos révoltes, nos remords, nos insomnies, nos larmes et nos fragiles espoirs. Confions-lui surtout ces enfants qui sont d’abord les siens. Il les aime encore plus que nous ne les aimons. Il sait ce qui est le meilleur pour eux. Il est toujours prêt à pardonner, et de tout mal, il sait tirer un bien. »
Troisième extrait : pp. 266-267 Avec sainte Monique
« L’espérance ne supprime pas la souffrance. « Le fils de tant de larmes ne saurait être perdu », disait saint Ambroise pour encourager Monique. Les larmes de cette mère douloureuse ont dû couler plus d’une fois : cette souffrance la rend proche de tous les parents dont le cœur est broyé par le départ de l’enfant prodigue, qu’il s’agisse d’une rupture effective ou d’un éloignement moins spectaculaire, mais tout aussi profond. »« Dieu veut le meilleur pour chacun de nos enfants : si sainte Monique n’avait pas été persuadée de cela, si elle n’avait pas su, dans la foi, que son amour maternel n’était que le reflet de l’amour de Dieu pour Augustin, comment aurait-elle pu garder l’espérance pendant tant d’années ? Car elle a attendu pendant plus de vingt ans la conversion de son fils. Combien de mères auraient baissé les bras ou se seraient épuisées en remords stériles ! Elle a gardé l’espérance, en appuyant son désir sur le désir de Dieu.»
[…]
« Monique ne pouvait rien avec ses propres forces mais, en Dieu, elle pouvait tout : seule la prière était toujours en son pouvoir. Alors elle a prié. Pas une fois, pas le temps d’une neuvaine ou d’une année : pendant plus de vingt ans, sans résultat apparent. Jusqu’au jour om Augustin s’est ouvert à la grâce. « Le fils de tant de larmes » est devenu le fils de la joie. Osons demander cette joie-là : Dieu la désire plus que nous encore. »
[1] Saint Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, § 9.
[2] Id., 43, § 1.
2ème TD : Famille et foi
Le « kit 1 » contient toujours :
- un questionnaire qui oriente librement ce TD,
- la prédication de Carême du Père Maximilien-Marie, Chanoine régulier de la Mère de Dieu (Abbaye de Lagrasse), à Notre-Dame-des-Armées, Versailles,
- des extraits de la Foi en famille de Christine Ponsard.
I – Formation générale
1. À partir des textes donnés en Annexe et ceux qui suivent (issus de la version officielle du Compendium du Catéchisme de l’Église catholique – Benoît XVI, 2005), donnez les éléments essentiels de la vertu théologale de foi.
Acte de foi :
« Mon Dieu, je crois fermement
toutes les vérités que vous m’avez révélées
et que vous nous enseignez par votre sainte Église,
parce que vous ne pouvez ni vous tromper, ni nous tromper.
Dans cette foi, puis-je vivre et mourir. Amen ».
Définition de la foi :
« Croire est un acte de l’intelligence,
adhérant à la vérité divine,
sous le commandement de la volonté,
mue par Dieu, au moyen de la grâce ».
Pourquoi parle-t-on de « l’obéissance de la foi » (Rm 15, 18) ?
2. Citez des passages de la Sainte Écriture parlant de la foi en Dieu. Lesquels vous touchent le plus et pourquoi ?
3. Citez des modèles pour votre vie de foi. Quelles sont les raisons de vos choix ?
4. Pensez-vous que la mentalité contemporaine dispose bien à la foi ? Sinon, pourquoi ?
II – Vie conjugale et familiale
5. Est-ce que la foi peut grandir ? Si oui, de quelle façon la Règle de vie Domvs peut-elle en favoriser l’accroissement ?
6. En quel sens peut-on « perdre la foi » ? Quels sont les péchés contre la foi (spécialement pour des époux et des parents) ?
7. Comment réagir aux doutes contre la foi de nos proches (conjoint, enfants, amis) ?
8. Quelle doit être la place de la foi dans la vie conjugale ? Donnez des exemples dans le quotidien, les conversations, les décisions, etc.
9. Quelle doit être la place de la foi dans l’éducation ? Y-a-t-il des excès ou des défauts dans ce domaine ? Surveiller ce qu’apprennent nos enfants (études, lectures, détentes…) : est-ce de l’intrusion ?
10. Donnez des idées concrètes pour approfondir familialement la foi surnaturelle. Comment l’œuvre de Domvs christiani peut-elle nous aider ?
III – Annexe
Père Maximilien-Marie, Chanoine régulier de la Mère de Dieu (Abbaye de Lagrasse), Prédication de Carême 2002 à Notre-Dame-des-Armées, Versailles
(texte publié avec l’aimable autorisation de l’auteur. Le style oral a été conservé)
La foi
« Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres ». Ils avaient découvert le Sauveur attendu. Avec lui se réalisaient manifestement les prophéties de l’alliance antique. Tout coïncidait aux yeux des apôtres. Tout : la noblesse du rang, la terre de Bethléem choisie pour la naissance, le nom d’Emmanuel, les miracles éblouissants qu’il semait à travers la Palestine. Tout coïncidait. Oui, en lui, les disciples avaient trouvé assurément un guide justifiant leur départ à sa suite, un être capable de donner un sens nouveau à leur vie, un père prêt à sa sacrifier pour eux.
Et pourtant, mes frères, ces témoins privilégiés ont entendu de la bouche du Seigneur, ont reçu de sa bouche ces reproches, tendres, mais reproches quand même : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? », leur dit-il au milieu de la mer démontée. Et, à Pierre, sorti des eaux par ses mains secourables : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Et, à Thomas, l’apôtre, se laissant toucher le côté percé, il commande : « Ne sois pas incrédule, mais croyant ».
Comment, mes frères, de tels témoins ont-ils pu douter, faillir, trahir même, eux qui côtoyèrent le Verbe de Vie, le faiseur de miracles, celui qui multipliait les pains – comme nous le rapportait l’évangile de ce matin –, celui qui marchait sur les eaux, faisait marcher les morts ? Comment est-ce possible, comment ces privilégiés ont-ils pu faire cette prière instante : « Seigneur, ô Seigneur, augmentez notre foi » ?
Oui, mes frères, méditer sur la foi, c’est méditer sur une vertu bien vivante, susceptible de croître et de faiblir, de s’affermir ou de disparaître.
La foi n’est en rien statique. Nous avons une conception très pauvre de la foi, de la vertu de foi. « J’ai la foi » ou : « Je n’ai pas la foi ». C’est tout. C’est « limité » comme théologie !
Méditer sur la foi, c’est la redécouvrir, car finalement cette vertu si familière à nos yeux, nous pourrions la côtoyer à la manière d’un gardien de musée, qui traverse les galeries et regarde d’une façon nonchalante, avec une indifférence souveraine, les chefs-d’œuvre qui sont à ses côtés.
On peut se comporter à l’égard de la foi comme on porte une montre, sans révérence ni attention. Elle fait son travail, elle fait son œuvre. C’est bien. Elle est faite pour cela. Mais, si d’aventure les aiguilles de la montre cessent de me donner l’heure, alors cette montre jusqu’ici fidèle et silencieuse me tire de ma torpeur et se rappelle doucement à mon bon souvenir. La foi est ainsi. « Seigneur, augmentez notre foi ! »
L’exemple éloquent des apôtres nous rassure, nous enseigne que la foi est une vertu délicate, fragile chez certains, affermie chez d’autres, objet d’un véritable désir chez tous. Méditer sur notre foi, vertu infuse reçue au baptême et – Dieu le veut, Dieu le peut – maintenue intacte jusqu’à ce jour, c’est vouloir restaurer en nous une amitié peut-être oubliée, c’est renouveler le temps des premières rencontres avec cette foi, le temps des fiançailles, le temps des épousailles où Dieu nous faisait goûter combien il est doux et précieux de croire. Pour les uns, c’était à la première communion, pour les autres lors d’une retraite, pour d’autres encore à l’occasion d’un salut du Saint Sacrement, d’une lecture, d’une rencontre. « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru », chante l’apôtre Jean.
Goûtons de nouveau, mes frères, à l’enthousiasme de la foi première, retrouvons cette vertu fondamentale, peut-être par nous un peu négligée, car trop familière. En vérité, l’avons-nous bien nourrie, notre foi ? L’avons-nous bien protégée contre les ennemis plus ou moins camouflés, s’exprimant sans vergogne dans les discours contemporains, discours d’athéisme, d’indifférentisme ou de syncrétisme ? L’avons-nous gardée comme un trésor, comme un bien absolument précieux ? Faisons-nous, à son propos, paisiblement, notre examen de conscience ? « Père, j’ai péché contre la foi ».
Confessons-nous au tribunal de la miséricorde des fautes à son encontre, notre lenteur à croire, nos imprudences dans les lectures, notre souci de chercher sans cesse des signes tangibles avant que d’adhérer à la parole du Maître ? « Ne sois plus incrédule, mais croyant. Heureux ceux qui croient sans avoir vu », nous dit Jésus en s’adressant à Thomas.
Un jour, saint Louis vit accourir en son palais un messager lui apprenant que l’Enfant-Dieu venait d’apparaître dans une église durant le saint sacrifice. Il ne se déplaça pas, ce roi très saint, ce roi très croyant. Il ne se déplaça pas et répondit : « Dieu aussi ce matin était sur l’autel de la messe. L’eucharistie m’a fait voir Dieu et, par elle, je l’ai reçu ». Pourquoi courir au miracle ? Pourquoi chercher les signes ?
La foi est un trésor précieux accordé par le Seigneur pour nous unir à lui, accordé comme un don, trésor à protéger, trésor à affermir. D’aucuns nous disent : « Mon père, j’ai la foi du charbonnier, cela me suffit ». Mais, mes frères, mais, mon bon ami, mais, monsieur le charbonnier – soi-disant charbonnier, alors qu’il est peut-être ingénieur de l’X –, la foi du charbonnier est bonne pour le charbonnier, elle n’est pas bonne pour vous !
Cette « foi du charbonnier », c’est une tragédie, mes frères. Je crois que beaucoup d’âmes, des dizaines, des milliers d’âmes se sont persuadées de la légitimité d’une telle foi, rapetissée, rabougrie.
Ne nous contentons pas de la foi du charbonnier. Si nous savons ce qu’est la foi, si nous avions les lumières spirituelles pour la voir telle qu’elle est, nous pleurerions d’amour et nous pleurerions de ne pas avoir su l’aimer et la faire grandir.
Les merveilles de la foi
Qu’est-ce que la foi ? La foi est un don de Dieu, disions-nous, et le père Garrigou-Lagrange, ce grand théologien dominicain, disait « qu’elle est comme un sens spirituel, comme un sens musical supérieur qui nous permet d’entendre l’harmonie des mystères révélés, l’harmonie de la voix de Dieu ». Oh ! émerveillons-nous de jouir d’un tel bienfait. Remercions Dieu d’être tous unis à lui par le même sens spirituel, la même vertu qui nous fait nous comprendre, nous entendre et correspondre avec harmonie.
Nous prêchons, je prêche : « Prêcher, disait monseigneur Ghika – celui qui a reçu ce compliment de Jean Daujat d’être « l’apôtre du XXe siècle » –, c’est prier en public ». Et il ajoutait : « Quand je prêche, je parle à Dieu en vous et je l’entends en vous après avoir essayé de l’entendre en moi ».
Oui, un sermon, une prédication est toujours une prière à Dieu. Ne cherchons pas un cours de théologie ou un exposé dogmatique. Non. Une prédication, a fortiori un sermon de carême, est une prière commune à Dieu, où les uns et les autres, ceux qui écoutent et celui qui a la redoutable charge de parler, offrent au Père les mêmes mots, présentent au Père les mêmes élans du cœur, les mêmes élans de l’âme par la foi.
Oui, par la foi. Aujourd’hui, en cet instant, en ce 4ème dimanche de carême, nous prions à l’unisson, nous suivons tous la même partition. Tel est le bienfait d’un sermon de carême s’il est vécu à ce niveau-là. Sinon, entre nous, il n’est rien. Il n’est que vent, il n’est que temps perdu pour vous et pour moi. Mais le temps perdu pour vous et pour moi est toujours du temps volé, volé à Dieu. Malheur à nous si nous volons le temps de Dieu !
« Par la foi, nous dit l’apôtre saint Paul, nous avons reçu, non pas l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce ». L’Esprit de Dieu, pas moins que cela, voilà l’héritage de la foi ! Cet Esprit donne à la vertu de foi sa place privilégiée dans l’édifice spirituel.
Elle en est la « porte » ouvrant sur l’immensité lumineuse et obscure – c’est le paradoxe de la foi – des mystères de Dieu. « Il n’y a pas d’autres accès près de Dieu que la médiation de la foi », dit saint Grégoire de Nysse. Toutes les autres vertus s’appuieront sur ce fondement : l’espérance, la charité, les vertus morales, la force, l’humilité. Toutes ces vertus n’auront leur place dans notre vie spirituelle que si elles ont été préparées, devancées, par la foi.
Saint Thomas d’Aquin peut alors affirmer de la foi qu’elle est la première des vertus. Oh ! certes, elle n’est pas la couronne des vertus comme l’est la charité. Elle est la première en tant qu’elle est le socle, en tant qu’elle est le fondement. Nous pouvons perdre l’espérance, nous pouvons perdre la charité sans perdre la foi. Mais qui perd la foi – et cela est difficile – perd d’un coup les autres vertus. La foi est une vertu simple, de la simplicité même de Dieu. Elle exige la générosité de l’enfant, l’audace de l’adolescent et la maturité de l’adulte. Tout se mêle, tout se lie, tout s’harmonise en elle.
Claudel disait : « Dans l’acte de foi, il y a toujours un moment où il faut fermer les yeux et se jeter à l’eau avec intrépidité et sans garantie apparente ». C’est un peu vrai : la foi est une rencontre avec les mystères obscurs, déroutants, déconcertants, du Seigneur. La croix, l’échec de la croix, la passion, la gloire du ciel qui nous est promise, la punition des méchants, tout cela est mystère. L’anéantissement de Jésus dans l’eucharistie, le prêtre qui a tant de mal à se connaître lui-même, tout cela est mystère, obscur et lumineux.
Ne cherchons pas à repousser les obscurités de la foi. Peut-être suscitent-elles en nous parfois des doutes, mais ces doutes siègent simplement dans la raison livrée à elle-même et non dans la foi. Malgré les doutes, la raison reste surélevée par la foi, car la foi est lumière de la raison. Elle est la vertu surnaturelle qui lui permet d’adhérer aux mystères de Dieu. Alors les doutes, petits, moyens ou grands, tout cela n’est que fruit naturel, et, a fortiori, non inquiétant. Fruit naturel d’une raison démunie, perplexe, un peu « bête », devant le mystère. Alors, si ces doutes surviennent, fuyons vite.
Voilà la bonne attitude prescrite par sainte Thérèse : fuyons au-dessus des doutes en prenant de l’altitude. « Sursum corda ». Prenons de l’altitude, le temps de rétablir en nous la sérénité accordée par la vérité. Oui, les doutes ont été expérimentés par les saints. Les plus grands saints ont connu les affres de l’angoisse du doute des années durant. Le doute n’est pas une invention de l’humanisme, un produit de Descartes. Non. Il est inscrit, malheureusement, dans la condition humaine depuis le péché de nos premiers parents.
Saint Grégoire le Grand remerciait Thomas, l’apôtre, d’avoir douté. Il disait que ce doute de Thomas lui était bien utile, plus utile même que la foi des autres apôtres. « Thomas a retranché en mon âme la blessure du doute ».
Il faut que le soleil se cache pour que nous puissions jouir des étoiles du firmament, pour contempler ces joyaux précieux des mystères de Dieu, des « mirabilia Dei ». Dom Marmion s’est plu à écrire : « Dieu a voulu laisser suffisamment d’obscurité pour que croire soit un acte de profonde confiance en lui ». Croire, c’est se confier, se fier au Seigneur, à l’Église, à sa Parole infaillible. « En vérité, si quelqu’un garde ma Parole, il ne verra jamais la mort ». Cette confiance ouvre sur la vie, elle donne accès à une obscurité, qui n’est, finalement, que l’effet d’un éblouissement. Saint Jean de la Croix disait : « Les hommes de foi ont des yeux de hiboux pour voir le soleil ». Voilà comment s’harmonisent l’obscurité et la lumière éblouissante accordées par la foi.
La foi nous ouvre sur la vie même de Dieu et la vie en Dieu. Alors, comme surabondamment, comme logiquement, elle est poussée à l’action, elle aspire à l’amour, à la bienveillance.
La foi n’est pas statique. Elle regarde autour d’elle comment mettre en œuvre ce qu’elle a reçu, ce qui s’inscrit dans son cœur. Quiconque a un instant dans sa vie joui un peu des secrets de Dieu par la foi ne peut plus se taire. Il proclame autour de lui la logique de l’amour divin. Il scrute dans le prochain les semences peut-être encore endormies, laissées par le Créateur et il s’abaisse pour laver les pieds des démunis. Il veut crier à tous les vents que le monde n’est pas absurde et qu’il a un sens.
« À quoi sert-il, mes frères, que quelqu’un dise : “ J’ai la foi ”, s’il n’a pas les œuvres, dit l’apôtre saint Jacques. Si la foi n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte ».
« Seigneur, augmentez notre foi ! »
Mes frères, faut-il être tiède pour avoir laissé s’installer en nous l’esprit du monde ! Car le véritable esprit chrétien est animé par une foi enthousiaste et sans compromission. Certes, la prudence est là pour ajuster nos actions et nos projets, pour conformer le possible au nécessaire. Mais l’homme de foi est prudent sans être timoré. Il est des heures, des lieux, où la foi doit agir sans arrière-pensée, sans recul, sans retrait. Le sang de nos martyrs en rend témoignage.
Écoutons la mère de Symphorien, le saint d’Autun. Elle s’adresse à son fils, il a 18 ans, il va mourir : « Debout, mon fils ! Le cœur en haut, le bourreau ne t’enlèvera pas la vie, il t’en donne une meilleure ».
« Ô Seigneur ! augmentez notre foi ! »
Les regards de la foi
C’est l’esprit de foi qu’il nous faut demander aujourd’hui, à cette heure. C’est cette lumière supérieure dont nous avons un besoin urgent, vital. Lumière sur Dieu, sur notre âme, sur le prochain, lumière sur les événements. Nous avons besoin de cette lumière pour ne pas errer, pour ne pas mourir.
Dieu, nous le défigurons si fréquemment ! Purifions nos regards, quittons nos schémas, nos a priori, nos préjugés sur ce qu’est Dieu. Dieu est au-delà de notre compréhension.
Certains défigurent sa miséricorde : « Nous irons tous au paradis ! » D’autres amplifient à l’excès sa justice et en font un Dieu père-fouettard, un Dieu redoutable, rendant impossible le salut. Folie !
Ces deux images de Dieu sont dramatiques. Il nous faut relire l’évangile, il nous faut redécouvrir les véritables traits de Dieu en Jésus : sa tendresse, sa patience, sa justice, sa miséricorde, sa colère même – toujours juste et miséricordieuse –, son cœur plein d’amour, son esprit de prière, sa Face meurtrie dans la passion, toujours belle. Voilà qui est Dieu. C’est Jésus qui nous le dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ».
Il nous faut aussi relire notre âme à la lumière de la foi. Nous nous connaissons si mal, finalement. Nos qualités, nos défauts, nos tendances nous habitent, nous désespèrent et nous aveuglent. Au confessionnal, nous avons tant de mal à dire ce que nous sommes : « Voilà, je suis orgueilleux, je suis jaloux, je suis gourmand ». Mais l’orgueil, la jalousie, la gourmandise, tout cela ne nous définit pas, ne définit pas l’âme.
Quittons ce personnage. Ayons l’esprit de foi pour nous connaître dans nos qualités – nous en avons – et dans nos défauts.
Un jour, une fille de sainte Thérèse d’Avila vient, éplorée, auprès de sa mère pour lui dire : « Ma pauvre âme ! » Sainte Thérèse aussitôt lui répond : « Oh ! Ne dites jamais cela, ma fille. Votre âme n’est pas “pauvre”, elle a été sauvée par le sang du Christ, elle a valu la croix ».
Cet esprit de foi doit se diffuser à l’extérieur : à l’égard de notre prochain, à travers nos jugements sur notre prochain, ce prochain qui nous exaspère par ses lenteurs, par ses précipitations, par ses incompréhensions, par ses conseils ou ses absences de conseil. Tout cela nous pèse. Et nous accumulons des fautes de charité par défaut d’esprit de foi. Nous n’avons pas vu ni compris qui était l’autre, créé par Dieu et aimé de Dieu. Alors nous le jugeons à travers notre propre égoïsme.
Si le prochain vient à nous flatter ou à nous féliciter, ou s’il vient à adhérer à nos opinions ou à apprécier notre humour, nous disons : « Voilà quelqu’un qui est bien, qui a un bon jugement ». Mais, si ce même prochain vient à émettre un petit doute sur nos talents – en cuisine ou en bricolage –, alors nous le condamnons, intérieurement, souvent, ou extérieurement, sans réserve : « Il n’a rien compris ! » Il faut, mes frères, percer l’enveloppe de chair de notre prochain. Et y voir, derrière, Dieu lui-même. Il faut y trouver Jésus-enfant, Jésus-pasteur, Jésus-prédicateur, Jésus silencieux ou douloureux, Jésus priant ou harassé.
Il faut renoncer à nos propres lumières pour laisser l’esprit de foi informer nos jugements sur Dieu, sur nous-mêmes, sur les autres. Saint Thérèse de l’Enfant-Jésus récapitule ce dessein merveilleux qui n’a qu’un seul but, celui de nous convertir.
« Jésus a daigné m’instruire de ce mystère. Il a mis devant mes yeux le livre de la nature et j’ai compris que toutes les fleurs qu’il a créées sont belles, que l’éclat de la rose ou la blancheur du lys n’enlèvent pas le parfum de la petite violette, n’ôtent rien à la simplicité ravissante de la pâquerette. J’ai compris que, si toutes les petites fleurs voulaient être des roses, la nature perdrait sa parure printanière, les champs ne seraient plus émaillés de fleurettes ».
Et elle ajoute : « Ces fleurs variées sont destinées à réjouir les regards du bon Dieu lorsqu’il les abaisse à ses pieds. La perfection consiste à faire sa volonté, à être ce qu’il veut que nous soyons ».
C’est notre dessein, c’est notre demande, c’est notre prière, mes frères, aujourd’hui, en esprit de foi.
Ainsi soit-il.
Extraits de Christine PONSARD, La foi en famille, EDB, 2001.
Texte 1 : pp. 19-21
Famille chrétienne : famille de baptisés
Une famille chrétienne est une famille de baptisés. Notre identité chrétienne ne vient pas de nos opinions ou de nos modes de vie, mais de Dieu qui se donne lui-même dans le sacrement de baptême. C’est Dieu qui fait de nous des chrétiens. Le baptême de chacun des membres de la famille n’est pas seulement un beau souvenir, plus ou moins lointain, ni une simple étape – un peu comme un rite initiatique. C’est plutôt comme le surgissement d’une source : la source de l’eau vive promise par Jésus, la source de l’amour de Dieu à laquelle nous pouvons puiser sans cesse. […]
Être chrétien, c’est d’abord avoir reçu ce cadeau extraordinaire qu’est le baptême, « le plus beau et le plus magnifique des dons de Dieu » . […]
Les familles chrétiennes sont appelées à mettre toute leur confiance en Dieu : cela ne veut pas dire attendre en se croisant les bras que Dieu fasse le travail à leur place ! Vivre en chrétien, c’est prier, mais c’est aussi agir au cœur du monde. « En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éternel » . La foi ne nous dispense absolument pas d’acquérir des compétences pour agir efficacement, de retrousser nos manches pour travailler sur cette terre et de nous engager dans la vie politique, l’action syndicale, la recherche scientifique, etc.
Les chrétiens ne vivent pas des choses différentes, mais ils les vivent différemment (ou, du moins, ils essayent de le faire !). La famille chrétienne par excellence, c’est la Sainte Famille. Or Marie, Joseph et Jésus ont vécu une existence apparemment très banale, au sein de leur village, comme n’importe quelle famille d’artisans. Ils ne faisaient rien d’extraordinaire, mais faisaient tout avec un amour extraordinaire : un amour qui n’était pas seulement humain, un amour surnaturel qui les reliait au Père en toutes choses.
Texte 2 : pp. 104-106
Combien de temps donner à Dieu ?
« Je me demande, s’interroge une lectrice, si le temps que je donne à mon mari n’est pas enlevé à Dieu, et vice-versa ». Plus largement : est-ce que je n’enlève pas à Dieu le temps que je consacre à mes enfants, à mon travail, à mes loisirs, etc. ? Et le temps que je consacre à la prière n’est-il pas enlevé aux autres ? Comment mesurer le temps que nous devons – ou que nous pouvons – consacrer à Dieu dans une journée, dans une semaine, dans une année ? […]
Qu’est-ce que donner tout son temps à Dieu ? Quand nous offrons un cadeau à quelqu’un, c’est pour qu’il en fasse ce qu’il veut : lorsque nous donnons notre temps à Dieu, c’est pour qu’il en fasse ce qu’il veut. Autrement dit, donner tout son temps à Dieu, c’est se rendre sans cesse disponible pour faire sa volonté, c’est choisir d’accomplir ce qu’il veut et non ce que nous voulons. En conséquence, le seul temps que nous enlevons à Dieu, c’est celui où nous refusons de faire sa volonté, celui où nous décidons de vivre sans lui, voire contre lui.
Certains moments sont comme directement donnés à Dieu : ceux que nous consacrons à la prière. La prière est, en apparence, du temps perdu : elle ne sert à rien, au sens strict du terme ; elle est improductive. La prière, c’est du temps « brûlé » pour Dieu et pour lui seul.
Pour cette raison, elle est essentielle : elle nous « remet dans l’axe », elle tourne notre regard vers les réalités invisibles, elle nous oriente vers Dieu. Si nous voulons donner tout notre temps à Dieu, commençons par lui consacrer totalement un vrai moment de prière quotidienne. […]
Dieu ne nous demande pas de consacrer tout notre temps à la prière. Sa volonté, c’est que nous aimions concrètement notre conjoint, nos enfants, nos proches, nos amis, nos frères les hommes, en leur consacrant du temps. Sa volonté, c’est que nous retroussions nos manches pour bâtir le Royaume par notre travail, nos engagements dans la vie de la cité. Sa volonté, c’est que nous prenions les moyens d’être en bonne santé par une saine alternance de labeur et de repos. À chacun de discerner, en fonction de sa vocation propre, la part qu’il doit consacrer à la prière, à la vie familiale, au travail, aux engagements extérieurs ou aux loisirs. Mais, redisons-le, dès lors que nous cherchons la volonté de Dieu, nous continuons à lui donner tout notre temps, en toutes circonstances. […]
« La vie de foi est essentiellement harmonieuse et ordonnée. Elle peut être remplie de mouvements et d’activités divers : elle est toujours une. Elle a Dieu pour principe et pour terme » .
Texte 3 : pp. 34-36
Les trois « P » du mariage
« À chaque fois que des fiancés viennent me voir, nous écrit un prêtre de nos lecteurs, je leur laisse ces trois “P” : Parler, Pardonner, Prier ». Un programme de vie conjugale qui tient en trois mots, comme les trois piliers de l’amour. Trois mots qui peuvent constituer autant de repères pour nous interroger et faire le point : où en sommes-nous de la communication entre époux ? Ne reste-t-il pas des pardons à donner ? La prière est-elle au cœur de notre vie ? […]
Pour se parler, il faut du temps. Il faut savoir « perdre du temps » à bavarder de choses et d’autres, prendre le temps d’être vraiment disponible à son conjoint. Les échanges les plus profonds viennent souvent de manière imprévue, au fil des mois, parce qu’on a pris le temps de s’apprivoiser par une écoute réelle.
Pardonner. On peut appliquer au mariage ce que Jean Vanier dit de la vie communautaire en général : « Si on entre dans une communauté sans savoir qu’on y entre pour apprendre à pardonner et à se faire pardonner soixante-dix fois sept fois, on sera vite déçu » . […]
Le pardon n’est pas un échec de l’amour, c’est même exactement le contraire : c’est le signe d’un amour vrai. En regardant un vieux couple se promener main dans la main, un prêtre s’émerveillait : « Un amour qui dure ainsi, ça représente des centaines et des centaines de pardons échangés ! »
Prier. Un couple d’une cinquantaine d’années reçut un jour ce conseil : « Tous les soirs, sans exception, dites un Notre Père et un Je vous salue Marie ensemble, main dans la main, pour offrir votre journée à Dieu, ainsi que la nuit pour un bon repos ». Un peu sceptique devant une demande aussi simple, le mari accepta néanmoins de prier ainsi avec son épouse. Et, quelques années plus tard, il témoignait : « Notre couple est transformé ! C’est dû en grande partie à ce temps si court mais fidèle ensemble devant Dieu et pour Dieu. C’est à cet abandon de nous-mêmes dans la main de Dieu que nous devons toute la simplicité que nous avons maintenant dans notre vie de couple » .
Beaucoup de couples n’arrivent pas à prier ensemble parce qu’ils adoptent des résolutions impraticables à long terme. Pour prier ensemble – et pour durer dans la prière conjugale –, il ne faut pas chercher des choses trop compliquées : quoi de plus simple que de réciter un Notre Père et un Je vous salue Marie ? Ce n’est presque rien, et ça change tout. Parce que ce « presque rien » est comme les cinq pains et les deux poissons de l’évangile : le Seigneur le multiplie à l’infini.
Juliette LEVIVIER, extrait de « La foi », article de Famille chrétienne, n° 1903 du 5 au 11 juillet 2014.
La foi
Commençons par le plus inexplicable : la foi. La vertu de foi est celle par laquelle « nous croyons en Dieu et en tout ce qu’il nous a dit et révélé et que la Sainte Église nous propose à croire parce qu’il est la vérité même » (CEC n° 1814).
La foi, ce n’est pas simplement croire que Dieu existe – le démon le croit encore plus fermement que nous. Mais cela consiste aussi à croire qu’il nous aime, et vouloir répondre à cet amour.
La foi, c’est la communion de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, de la grâce de Dieu qui se révèle et de la liberté de l’homme qui lui répond. La vertu de foi n’est pas une jolie déclaration d’intention, mais un acte de confiance et d’abandon de l’homme entre les mains du Seigneur ; dire « Je crois », c’est être comme un enfant sur un mur qui saute joyeusement dans les bras tendus de son papa : même pas peur !
Lorsqu’il a promulgué une Année de la foi en octobre 2011, le pape Benoît XVI nous a instamment adjuré de redécouvrir la beauté, les contenus et les exigences de notre foi et de la nourrir de la parole de Dieu . Benoît XVI nous présente ainsi la foi comme une porte : porte du Royaume et porte de l’Église, porte éternelle dont Jésus, après l’avoir définitivement ouverte, a égaré la clef.
Cette porte, chacun est libre de la franchir ou de rester sur le seuil. La foi n’est pas une obligation, elle est un choix. Choix du cœur qui se laisse modeler par la grâce, de l’intelligence qui se laisse éclairer, et de la volonté qui engage notre liberté de vie, choix personnel, libre et éclairé que personne ne fera à notre place.
[…] Le tri sélectif, très en vogue, est un déni de foi : « Je crois en Dieu, mais pas en l’Église », « Je crois en la vie éternelle, mais pas dans la résurrection du corps », cela ne tient pas debout. Il existe en effet « une unité profonde entre l’acte par lequel on croit et les contenus auxquels nous donnons notre assentiment » .
[…] On nous demande des comptes de notre foi ? Normal ! Le monde attend de nous un témoignage vibrant : il y a une cohérence de fond dans nos vies, aussi faut-il que « le témoignage de vie des croyants grandisse en crédibilité » .
[…] Chemin d’illumination et de joie, la foi est notre trésor. Seigneur, augmente en nous la foi !
TD3 : Famille et charité
Le kit 1 contient :
- Le questionnaire qui oriente librement
- les annexes: l’acte de charité, extraits du CEC, extraits de Deus caritas est (Benoît XVI), extrait de Parler l’Amour du P. Denis Sonet, extraits de la Foi en famille de Christine Ponsard.
- Téléchargez le kit 1 (pdf)
Préparation en foyer
I – La charité en général
- Qu’est-ce que la charité ? Qu’a-t-elle de plus que l’affection sentimentale ? Que le copinage ? Que l’amitié ? Que la philanthropie ? On s’aidera de l’acte de charité (en annexe si besoin).
- Quels exemples, dans l’Écriture ou dans la vie des saints, vous inspirent particulièrement sur la charité ?
- Quel est le lien entre la charité et la sainteté ? Et avec le thème de l’année ?
- Qu’aime-t-on de charité ? De ce fait, y a-t-il plusieurs charités ?
- Y a-t-il un ordre dans la charité ? Autrement dit, faut-il aimer certains plus que d’autres ?
- Comment faire croître la charité en soi ? Comment peut-on la perdre ? La retrouver ?
II – En famille
- Pourquoi la charité est-elle importante dans une famille ?
- Quelles sont les fautes contre la charité qui menacent le plus la vie familiale ?
- Comment, au sein du foyer, harmoniser et faire grandir ensemble et tout à la fois l’amour envers Dieu et l’amour conjugal ?
- Comment promouvoir la charité au sein d’une fratrie ?
III – Annexe
L’acte de charité
Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur et plus que tout, parce que vous êtes infiniment bon, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de vous. Dans cette charité, puis-je vivre et mourir. Amen. (Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique)
Extraits du Catéchisme de l’Église Catholique
826 La charité est l’âme de la sainteté à laquelle tous sont appelés : « Elle dirige tous les moyens de sanctification, leur donne leur âme et les conduit à leur fin » (LG 42) :
« Je compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang … Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux … en un mot, qu’il est éternel ! » (Ste. Thérèse de l’Enfant-Jésus, ms. autob. B 3v).
1822 La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu.
1823 Jésus fait de la charité le commandement nouveau (cf. Jn 13,34). En aimant les siens « jusqu’à la fin » (Jn 13,1), il manifeste l’amour du Père qu’il reçoit. En s’aimant les uns les autres, les disciples imitent l’amour de Jésus qu’ils reçoivent aussi en eux. C’est pourquoi Jésus dit: « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour » (Jn 15,9). Et encore: « Voici mon commandement: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12).
1824 Fruit de l’Esprit et plénitude de la loi, la charité garde les commandements de Dieu et de son Christ: « Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour » (Jn 15,9-10 cf. Mt 22,40 ; Rm 13,8-10).
1825 Le Christ est mort par amour pour nous alors que nous étions encore « ennemis » (Rm 5,10). Le Seigneur nous demande d’aimer comme Lui jusqu’à nos ennemis (Mt 5,44), de nous faire le prochain du plus lointain (cf. Lc 10,27-37), d’aimer les enfants (cf.Mc 9,37) et les pauvres comme Lui-même (cf. Mt 25,40 Mt 25,45).
L’apôtre saint Paul a donné un incomparable tableau de la charité: « La charité prend patience, la charité rend service, elle ne jalouse pas, elle ne plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle ne fait rien de laid, elle ne cherche pas son intérêt, elle ne s’irrite pas, elle n’entretient pas de rancune, elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle trouve sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle endure tout » (1Co 13,4-7).
1826 « Sans la charité, dit encore l’Apôtre, je ne suis rien … ». Et tout ce qui est privilège, service, vertu même … « sans la charité, cela ne me sert de rien » (1Co 13,1-4). La charité est supérieure à toutes les vertus. Elle est la première des vertus théologales: « Les trois demeurent: la foi, l’espérance et la charité. Mais la charité est la plus grande » (1Co 13,13).
1827 L’exercice de toutes les vertus est animé et inspiré par la charité. Celle-ci est le « lien de la perfection » (Col 3,14); elle est la forme des vertus; elle les articule et les ordonne entre elles; elle est source et terme de leur pratique chrétienne. La charité assure et purifie notre puissance humaine d’aimer. Elle l’élève à la perfection surnaturelle de l’amour divin.
1828 La pratique de la vie morale animée par la charité donne au chrétien la liberté spirituelle des enfants de Dieu. Il ne se tient plus devant Dieu comme un esclave, dans la crainte servile, ni comme le mercenaire en quête de salaire, mais comme un fils qui répond à l’amour de « celui qui nous a aimés le premier » (1Jn 4,19):
« Ou bien nous nous détournons du mal par crainte du châtiment, et nous sommes dans la disposition de l’esclave. Ou bien nous poursuivons l’appât de la récompense et nous ressemblons aux mercenaires. Ou enfin c’est pour le bien lui-même et l’amour de celui qui commande que nous obéissons… et nous sommes alors dans la disposition des enfants » (S. Basile, reg. fus. prol. 3).
1829 La charité a pour fruits la joie, la paix et la miséricorde; elle exige la bienfaisance et la correction fraternelle; elle est bienveillance; elle suscite la réciprocité, demeure désintéressée et libérale; elle est amitié et communion:
« L’achèvement de toutes nos œuvres, c’est la dilection. Là est la fin; c’est pour l’obtenir que nous courons, c’est vers elle que nous courons; une fois arrivés, c’est en elle que nous nous reposerons » (S. Augustin, ep. Jo. 10,4).
1855 Le péché mortel détruit la charité dans le cœur de l’homme par une infraction grave à la loi de Dieu; il détourne l’homme de Dieu, qui est sa fin ultime et sa béatitude en Lui préférant un bien inférieur.
Le péché véniel laisse subsister la charité, même s’il l’offense et la blesse.
1856 Le péché mortel, attaquant en nous le principe vital qu’est la charité, nécessite une nouvelle initiative de la miséricorde de Dieu et une conversion du cœur qui s’accomplit normalement dans le cadre du sacrement de la Réconciliation:
Lorsque la volonté se porte à une chose de soi contraire à la charité par laquelle on est ordonné à la fin ultime, le péché par son objet même a de quoi être mortel… qu’il soit contre l’amour de Dieu, comme le blasphème, le parjure, etc. ou contre l’amour du prochain, comme l’homicide, l’adultère, etc … En revanche, lorsque la volonté du pécheur se porte quelquefois à une chose qui contient en soi un désordre mais n’est cependant pas contraire à l’amour de Dieu et du prochain, tel que parole oiseuse, rire superflu, etc., de tels péchés sont véniels (S. Thomas d’A., I-II 88,2).
2093 La foi dans l’amour de Dieu enveloppe l’appel et l’obligation de répondre à la charité divine par un amour sincère. Le premier commandement nous ordonne d’aimer Dieu par-dessus tout et toutes les créatures pour Lui et à cause de Lui (cf. Dt 6,4-5).
2094 On peut pécher de diverses manières contre l’amour de Dieu: L’indifférence néglige ou refuse la considération de la charité divine; elle en méconnaît la prévenance et en dénie la force. L’ingratitude omet ou récuse de reconnaître la charité divine et de lui rendre en retour amour pour amour. La tiédeur est une hésitation ou une négligence à répondre à l’amour divin, elle peut impliquer le refus de se livrer au mouvement de la charité. L’acédie ou paresse spirituelle va jusqu’à refuser la joie qui vient de Dieu et à prendre en horreur le bien divin. La haine de Dieu vient de l’orgueil. Elle s’oppose à l’amour de Dieu dont elle nie la bonté et qu’elle prétend maudire comme celui qui prohibe les péchés et qui inflige les peines.
Benoît XVI, Deus caritas est
- Après avoir réfléchi sur l’essence de l’amour et sur sa signification dans la foi biblique, une double question concernant notre comportement subsiste : Est-il vraiment possible d’aimer Dieu alors qu’on ne le voit pas ? Et puis: l’amour peut-il se commander ? Au double commandement de l’amour, on peut répliquer par une double objection, qui résonne dans ces questions. Dieu, nul ne l’a jamais vu – comment pourrions-nous l’aimer ? Et, d’autre part : l’amour ne peut pas se commander; c’est en définitive un sentiment qui peut être ou ne pas être, mais qui ne peut pas être créé par la volonté. L’Écriture semble confirmer la première objection quand elle dit: « Si quelqu’un dit: « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas» (1 Jn 4, 20). Mais ce texte n’exclut absolument pas l’amour de Dieu comme quelque chose d’impossible; au contraire, dans le contexte global de la Première Lettre de Jean, qui vient d’être citée, cet amour est explicitement requis. C’est le lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain qui est souligné. Tous les deux s’appellent si étroitement que l’affirmation de l’amour de Dieu devient un mensonge si l’homme se ferme à son prochain ou plus encore s’il le hait. On doit plutôt interpréter le verset johannique dans le sens où aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu, et où fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu.
P. Denis Sonet, Pour parler l’ Amour, Socéval Éditions, 2e édition, 2006
- 21. L’essentiel, c’est d’aimer. Il suffit d’aimer. L’amour est prioritaire. Le reste est fumée.
– « Il est temps d’instaurer la religion de l’amour » (Aragon).
– « Je ne connais qu’un seul devoir, c’est celui d’aimer » (A. Camus).
– « Aimez, aimez, tout le reste n’est rien » (J. de La Fontaine).
– « On s’épouse un jour, on met 10 ans à se marier » (Péguy)
Le Projet de Dieu sur le monde est le surgissement d’êtres capables d’aimer. C’est finalement, le royaume de l’Amour. Fait à l’image de Dieu qui est Relation (au sein de la Trinité), qui est « famille », l’homme est fait pour aimer, il est éminemment relationnel. Parce qu’il est image de Dieu, l’homme est habité par ce désir insatiable d’amour, qui est à la fois son tourment et son bonheur. Il rejoint Dieu dans son mystère inépuisable.
Pp. 130-131. Depuis votre baptême, vous appartenez au Christ. Et le jour du mariage religieux, le Christ vous donne à votre conjoint. Il vous confie l’un à l’autre. Si bien que l’autre devient dorénavant votre vocation, celui (ou celle) que vous êtes chargé(e) de promouvoir pour qu’il (ou elle) devienne fils de Dieu (fille de Dieu). Répondre à ses raisonnables désirs, c’est donc répondre à Dieu qui vous demande de le (la) combler. Vous comprenez alors que l’Amour est dans votre vie l’appel de Dieu à travers l’autre.
Vous pourrez dire alors : « Si je t’aime Pierre, c’est que j’ai la certitude que Dieu me fait signe à travers toi… Il me demande de t’aimer et de t’aimer follement… et de t’aimer toujours. » – « Si je t’aime, Pierrette, ce n’est pas seulement à cause de ta féminité, de ta douceur, de ta tendresse toujours en attente, c’est que tu es dorénavant ma vocation. Je tiens à dire oui… parce que ce oui est un oui au plan de dieu sur nous : oui, je t’aimerai comme dieu veut que je t’aime, comme tu as besoin d’être aimée, avec ton ardent désir de vivre un grand et bel amour »…
« Oui, je t’aimerai Pierre en disant oui en même temps à ce que Dieu veut de toi, en t’aidant à te réaliser pleinement, même s’il doit m’en coûter quelque peu. »
Quand on est marié, la volonté de Dieu passe désormais à travers les besoins raisonnables de notre conjoint ou de nos enfants.
Comme j’aimerais, Pierrette, que tu comprennes que ce Dieu auquel tu crois si fort, tu le trouveras désormais et avant tout à travers Pierre. Il t’appelle à travers lui. Jamais à côté. Jamais contre lui. On n’a pas le téléphone rouge avec Dieu. Nous découvrons sa volonté profonde à travers la médiation de ceux qu’il a mis sur notre route, et en premier, du conjoint. Dès lors chacun pourra se dire :
– Quand je découvre les besoins de mon conjoint, c’est Dieu qui m’appelle : Toute demande raisonnable de mon conjoint ou des mes enfants est dans ma vie volonté de Dieu !
– Quand je construis l’amour de mon conjoint, je fais ce à quoi Dieu m’appelle, je construis l’amour de Dieu en moi.
– Quand je fais un pas vers mon conjoint, je fais un pas vers Dieu.
– Quand je m’éloigne de mon conjoint, je m’éloigne de Dieu.
– Dieu ne m’appelle pas à côté de mon conjoint, a fortiori contre mon conjoint, mais à travers mon conjoint.
– Je dois trouver Dieu dans ma cuisine, dans ma vie de travail.
Une mère de famille écrit :
« Ce n’est pas m’évader qu’il faut. C’est réussir à tout illuminer par le dedans : Mon travail, les fatigues : quelles prières si je savais… Toute ma journée offerte : quelle messe avec le prêtre… La paix des champs, de la maison : ce seraient mes silences.
Toutes les créatures ? La communauté avec laquelle il me faut louer Dieu.
Les renoncements qu’exige ma tâche, c’est cela mon apostolat.
Ma chapelle enfin, cette maison bien-aimée où ma présence devrait être un peu comme celle de la lampe du sanctuaire » (P. Ancelle).
« C’est la volonté de Dieu que vous aimiez franchement l’exercice de votre état… Vous ne devez pas seulement être dévote, mais vous devez rendre la dévotion aimable… La dévotion deviendra attrayante pour Monsieur votre mari, s’il voit qu’à mesure que votre dévotion croît vous êtes plus cordiale et plus suave en l’affection que vous lui portez » (S. François de Sales).
« C’est Dieu qui se voit dans le regard de l’époux et de l’épouse. C’est Dieu qui s’aime, dans leur amour, c’est Dieu qui donne, c’est Dieu qui reçoit, c’est Dieu qui parle, c’est Dieu qui écoute, c’est Dieu qui ordonne, c’est Dieu qui obéit, c’est Dieu qui souhaite, c’est Dieu qui contente, c’est Dieu qui gouste et c’est Dieu qui est le plaisir de ces amants sacrés » (Catherine Levesques, 1616-1693).
Le christ est aussi la source de votre amour, ne l’oubliez pas : l’amour est un cadeau de dieu, c’est un appel qui vous fait signe à travers l’autre.
Pp. 185-187. La question du scribe n’était pas sotte du tout : « Quel est le premier des commandements ? « Et la réponse du Christ était sans ambages : Aimer ! Pour nous, malaxés par des siècles de christianisme, elle nous paraît évidente : ce ne fut pas toujours le cas.
Oui, Aimer, c’est l’essentiel. Oui, il suffit d’aimer. Tous les saints font écho à l’hymne d’amour de S. Paul dans le chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens : « S’il me manque l’amour, je ne suis qu’une cymbale retentissante… »
Tous les saints ont parlé dans ce sens : « Réunissez tous les autres biens, si celui de l’amour manque, ils ne vous servent de rien » (S. Augustin).
« L’amour est l’œuvre qui prime tout » (S. Jean de la Croix).
On pourrait dire : « J’aime donc je suis… »
Aujourd’hui il vous est facile de comprendre cette vérité première : l’importance et la nécessité absolue de l’amour. Vous prenez conscience que vous avez été faits pour l’amour, par Celui qui est l’ Amour. Tout être humain est programmé pour aimer. Vous avez dans le cœur un logiciel, e programme-amour, dont vous découvrez aujourd’hui le fonctionnement merveilleux.
Voilà pourquoi dans votre vie, vous ferez passer votre amour avant votre métier (avant la chasse ou la pêche), avant l’ordinateur ou la télévision.
Voilà pourquoi il n’est pas si difficile d’être chrétien si l’on songe qu’être chrétien, c’est croire à l’amour (1 Jn 4, 16). Croire que Dieu est Amour. Croire que la création est une grande histoire d’amour (Sg 11, 24), que le monde est en enfantement, travaillé par l’ Esprit d’Amour. Croire que le Christ est venu par amour pour sauver les hommes. Croire que, malgré les faiblesses de ses chefs et de ses membres, l’Église est le peuple de l’amour, en route vers les Noces éternelles, en route vers le véritable Royaume de l’Amour.
Être chrétien, c’est essayer tout simplement et imparfaitement de vivre l’amour, car l’amour résume aussi toute la morale, tout l’agir.
« L’amour est la vocation fondamentale et innée de tout être humain » (Jean-Paul II).
(…) N’aimer que soi serait ennuyeux. L’être humain doit découvrir qu’il est fait pour se décentrer et aimer les autres. Dans l’ordre du plus proche. Donc, Pierre, après toi, la première personne à aimer, c’est Pierrette. N’est-elle pas dorénavant un peu toi, ta moitié ? Pierrette, tu aimeras Pierre, puis tes enfants qui viennent donc en troisième position : tu seras plus épouse que mère, ce qui est la meilleure façon d’être une bonne mère. Ensuite, en quatrième position tes parents… puis tes amis… tes collègues de travail… et enfin les pauvres du tiers-monde. Comment un chrétien pourrait-il ne pas aimer les hommes, s’il songe un instant qu’ils sont comme lui les fils du même Père, ses frères en Christ ? L’autre d’ailleurs nous permet de développer nos possibilités et nous révèle souvent à nous-mêmes.
Mais aimer l’autre, ce n’est pas l’utiliser, voire le consommer… c’est vouloir son épanouissement, l’enrichir parfois seulement d’un sourire, c’est vouloir le promouvoir, l’aider à grandir : « Le plus grand bien que nous puissions faire aux autres n’est pas de leur communiquer notre richesse mais de leur révéler la leur » (Lavelle).
L’amour n’est pas sensiblerie ou possessivité. On peut aimer quelqu’un comme on aime le pain d’épice. On peut aimer Dieu comme l’enfant qui aime sa maman pour les câlins ou la sucette et qui crie qu’elle est méchante dès qu’elle lui refuse ce qu’il veut.
L’amour est bienveillance, ‘bien-voulance’ : il veut le bonheur de l’aimé et cherche à lui faire plaisir. L’amour est bienfaisance.
Christine Ponsard, La foi en famille, EDB 2001
Pp. 23-25. « Voyez comme ils s’aiment ! » : c’est à ce signe que l’on devrait reconnaître une famille chrétienne. Mais n’est-ce pas un idéal inaccessible, un beau rêve loin de la réalité ?
Si nous commençons par regarder notre propre famille, il semble bien qu’elle ne ressemble guère à la famille chrétienne idéale : chamailleries ou disputes plus graves, conflits entre époux ou entre frères et sœurs, bouderies et rancunes s’y vivent couramment… parfois même à l’occasion de la prière familiale ou à la sortie de la messe, ce qui est un comble (mais quelle famille n’a jamais vécu ça ?). Il en est ainsi, plus ou moins, dans toutes les familles : apparemment, l’amour mutuel est loin d’être le critère qui permet de reconnaître une famille chrétienne. Nous en avons tous de nombreux exemples en tête ! Ainsi pourrions-nous citer certains couples mariés chrétiennement qui n’arrêtent pas de se disputer et d’autres, non mariés, vivant en bonne harmonie. Est-ce que cela ne contredit pas la parole de Jésus : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres »? (Jn 13, 35).
Si Jésus nous demande de nous aimer, c’est que c’est possible. Juste avant de mourir, Il ne cesse d’insister sur le commandement de l’ amour : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 13, 34) « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres. » (Jn 15, 17) Jésus ne nous demande jamais rien sans nous donner la possibilité de l’accomplir. Mais si nous n’arrivons pas à admettre que l’amour mutuel puisse être le signe qui caractérise les disciples de Jésus, c’est que nous nous laissons prendre à deux pièges.
Le premier piège consiste à ranger les familles et les personnes en deux catégories bien distinctes : disciples de Jésus, non-disciples de Jésus. Or, ce n’est pas à nous de déterminer qui est, ou n’est pas, disciple de Jésus : certains le sont sans le savoir, d’autres ne le sont guère tout en prétendant l’être. Réjouissons-nous de ce que des hommes et des femmes qui ne connaissent même pas le Christ, ou semblent ne pas s’y intéresser, vivent pourtant le commandement de l’amour mutuel. N’est-ce pas le signe qu’ils sont, sans le savoir, en chemin vers Jésus ? L’Esprit souffle où il veut.
Le second piège nous enferme dans nos échecs et notre péché. Au lieu de mettre toute notre confiance en Jésus, nous jugeons plus réaliste de regarder nos limites ! Nous n’osons pas croire que « rien n’est impossible à Dieu ». Parce que nous constatons que nous nous disputons comme dans toutes les familles (ou presque), nous en concluons un peu vite que la parole de Jésus est un beau rêve, très loin de la réalité, ou vérifié seulement par quelques familles exceptionnelles. Mais ce n’est pas parce que nous n’accomplissons pas encore pleinement la vocation qui est la nôtre que cette vocation est une utopie. Jésus nous montre des sommets : Il ne nous demande pas d’y arriver d’un seul coup !
D’ailleurs, des familles chrétiennes qui s’aiment pour de bon, cela existe ! Et les exemples ne manquent pas, dans le passé comme aujourd’hui. Ainsi, la famille Soubirous, en dépit d’épreuves répétées et d’une misère écrasante, se remarquait-elle par un climat d’amour exceptionnel : on dit des parents de sainte Bernadette qu’ils ne se disputaient jamais. Plus près de nous — y compris dans notre propre famille, même si c’est de manière encore imparfaite — combien de foyers chrétiens vivent le don de soi, le pardon, la compassion, l’écoute, l’accueil, de manière souvent cachée et parfois héroïque. On parle beaucoup des divorces, mais on ne saura qu’au Ciel l’extraordinaire combat d’amour mené par des époux et des épouses qui, en s’appuyant sur la grâce de leur mariage, sont restés unis malgré des tempêtes terribles.
« Voyez comme ils s’aiment ! » : c’est parfois un constat, c’est toujours un appel. Apprenons à vivre toujours plus comme des frères, nous recevant les uns les autres des mains de Celui qui est la source de tout amour.
Pp.128-129. « Pris un par un, mes enfants sont charmants. Mais dès qu’ils sont ensemble, ils n’arrêtent pas de se disputer ». Carine, mère de trois enfants, est découragée : «Pourtant, ce devrait être une joie de vivre entre frères et sœurs ! » Mais existe-t-il une seule famille où les enfants ne se disputent jamais ? Alors, que faire ?
D’une certaine manière, les disputes sont une bonne chose. Disons plutôt : il est bon que les querelles éclatent plutôt que de couver en silence, à condition qu’elles n’éclatent pas n’importe comment. Les familles où il est impossible d’exprimer ses colères et ses griefs risquent fort de laisser couver sous la cendre de terribles sentiments d’amertume. Il ne sert à rien de nier les conflits : il vaut beaucoup mieux apprendre à les gérer.
Inutile de répéter : « Arrêtez de vous disputer ! », nous le savons bien. Surtout lorsque cette exhortation est dite sur le ton de la colère, par un adulte exaspéré d’entendre des hurlements. Il est bien difficile, parfois, de garder son calme ! Pourtant, la violence est contagieuse, le calme aussi : plus nous crions, plus nos enfants crient ; plus nous sommes paisibles, plus nos enfants le seront. Ce qui impose de ne pas s’alarmer au moindre conflit.
Moins nous intervenons, mieux c’est. Une des principales raisons des disputes (même si les enfants n’en ont pas forcément conscience) « c’est d’attirer l’attention des parents, pour qu’ils viennent prendre parti, chacun espérant que ce sera à son avantage. (…) La difficulté est de savoir prendre sur soi, pour faire, bien des fois, l’inverse de ce qui nous vient spontanément à l’esprit : Les enfants sont bien sages, on n’entend rien, la tendance est de se dire : « Ouf ! je peux vaquer à mes occupations. » Il y a des cris, de la bagarre, on se fait un devoir d’aller rétablir l’ordre… en fait, accentuer le désordre le plus souvent et en tout cas certainement favoriser de nouveaux incidents dans l’avenir. C’est le contraire qui est efficace : ne pas réagir lors des disputes mais lorsque les enfants sont sages, penser qu’ils ont besoin de nous parfois, leur montrer notre amour, s’intéresser à ce qu’ils inventent, avant qu’ils ne soient obligés d’attirer l’attention sur eux par des moyens plus radicaux. » (Paul Lemoine, Transmettre l’amour, Éditions Nouvelle cité, Paris, 1986)
Certaines situations réclament néanmoins une intervention énergique. C’est le cas lorsque des coups violents sont échangés, lorsqu’un enfant est manifestement le souffre-douleur ou, au contraire, l’élément perturbateur. Commençons par séparer les combattants ; attendons ensuite que le calme soit revenu pour essayer d’y voir plus clair et tirer les conclusions qui s’imposent. Méfions-nous en effet des jugements « à chaud » qui peuvent être très injustes : le plus petit n’est pas forcément la pauvre victime, et celui qui crie le plus fort n’est pas toujours le plus agressif.
Attention aux enfants qui ne se disputent jamais. Si ce sont des enfants réellement paisibles, tant mieux ! Mais cette douceur apparente peut aussi cacher une incapacité à s’exprimer, à être soi-même face aux autres. Certains enfants redoutent tellement les conflits qu’ils préfèrent céder ou dire le contraire de ce qu’ils pensent plutôt que de déclencher une bagarre. Il est important de leur apprendre, non à se disputer, mais à oser s’affirmer.
Certaines situations favorisent les disputes : essayons de les repérer et, sans les supprimer systématiquement (ce qui n’est d’ailleurs pas toujours possible), voyons ce qui peut faciliter la vie fraternelle. Certains caractères s’accordent mieux que d’autres : il est important d’en tenir compte pour la répartition des enfants dans les chambres. Certains enfants supportent mal de ne jamais pouvoir s’isoler, d’autres s’énervent facilement parce qu’ils manquent de sommeil ou d’exercice physique, etc.
S’aimer comme des frères n’est facile pour personne : allez donc demander à des moines ou des moniales ce qu’ils en pensent ! La vie fraternelle nous met à rude épreuve, quel que soit notre âge. Ne nous étonnons donc pas des disputes entre frères et sœurs. Mais ne nous y résignons pas ! Le Seigneur nous montre le chemin : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 13, 34) Et ce chemin passe par le pardon, vécu très simplement et très quotidiennement en famille.
TD4 : Travail et repos en famille
I – Le travail en général
1 Quels sont les passages de la Sainte Écriture les plus éloquents sur la valeur et le sens du travail ?
2 Le travail est-il une conséquence du péché originel ?
3 Quel est son rôle dans la recherche de la sainteté ?
4 Le repos est-il une concession à notre faiblesse ? A-t-il une valeur spirituelle ?
II – Le travail dans la famille
5 La vie familiale serait-elle plus épanouie s’il ne fallait pas travailler ?
6 Comment parvenir à équilibrer les obligations familiales et professionnelles ?
7 Par quels moyens concrets pourrait-on souligner en famille la valeur du travail ?
III – Le repos en famille
8 Quelle est l’importance du repos pour la famille (et pour les parents) ?
9 Que serait un vrai repos en famille ?
10 Comment concrètement mieux vivre la spiritualité du repos dominical ?
Annexes
A Catéchisme de l’Église Catholique
378. Le signe de la familiarité avec Dieu, c’est que Dieu le place dans le jardin. Il y vit « pour cultiver le sol et le garder » : le travail n’est pas une peine, mais la collaboration de l’homme et de la femme avec Dieu dans le perfectionnement de la création visible.
901. « Les laïcs, en vertu de leur consécration au Christ et de l’onction de l’Esprit-Saint, reçoivent la vocation admirable et les moyens qui permettent à l’Esprit de produire en eux des fruits toujours plus abondants. En effet, toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d’esprit et de corps, s’ils sont vécus dans l’Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie, pourvu qu’elles soient patiemment supportées, tout cela devient « offrande spirituelle, agréable à Dieu par Jésus-Christ » ; et dans la célébration eucharistique, ces offrandes rejoignent l’oblation du Corps du Seigneur pour être offertes en toute piété au Père. C’est ainsi que les laïcs consacrent à Dieu le monde lui-même, rendant partout à Dieu dans la sainteté de leur vie un culte d’adoration ».
1609. Dans sa miséricorde, Dieu n’a pas abandonné l’homme pécheur. Les peines qui suivent le péché, « les douleurs de l’enfantement », le travail « à la sueur de ton front », constituent aussi des remèdes qui limitent les méfaits du péché. (…)
2185. Pendant le dimanche et les autres jours de fête de précepte, les fidèles s’abstiendront de se livrer à des travaux ou à des activités qui empêchent le culte dû à Dieu, la joie propre au Jour du Seigneur, la pratique des œuvres de miséricorde et la détente convenable de l’esprit et du corps. Les nécessités familiales ou une grande utilité sociale constituent des excuses légitimes vis-à-vis du précepte du repos dominical. Les fidèles veilleront à ce que de légitimes excuses n’introduisent pas des habitudes préjudiciables à la religion, à la vie de famille et à la santé.
« L’amour de la vérité cherche le saint loisir, la nécessité de l’amour accueille le juste travail. »
2427. Le travail humain procède immédiatement des personnes créées à l’image de Dieu, et appelées à prolonger, les unes avec et pour les autres, l’œuvre de la création en dominant la terre. Le travail est donc un devoir : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ». Le travail honore les dons du Créateur et les talents reçus. Il peut aussi être rédempteur. En endurant la peine du travail en union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du Calvaire, l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de Dieu dans son Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix, chaque jour, dans l’activité qu’il est appelé à accomplir. Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des réalités terrestres dans l’Esprit du Christ.
2428. Dans le travail, la personne exerce et accomplit une part des capacités inscrites dans sa nature. La valeur primordiale du travail tient à l’homme même, qui en est l’auteur et le destinataire. Le travail est pour l’homme, et non l’homme pour le travail.
Chacun doit pouvoir puiser dans le travail les moyens de subvenir à sa vie et à celle des siens, et de rendre service à la communauté humaine.
B Saint Jean-Paul II, Laborem exercens
25. (…) Dans les paroles de la Révélation divine, on trouve très profondément inscrite cette vérité fondamentale que l’homme, créé à l’image de Dieu, participe par son travail à l’œuvre du Créateur, et continue en un certain sens, à la mesure de ses possibilités, à la développer et à la compléter, en progressant toujours davantage dans la découverte des ressources et des valeurs incluses dans l’ensemble du monde créé. Nous trouvons cette vérité dès le commencement de la Sainte Écriture, dans le Livre de la Genèse, où l’œuvre même de la création est présentée sous la forme d’un « travail » accompli par Dieu durant « six jours » et aboutissant au « repos » du septième jour. D’autre part, le dernier livre de la Sainte Écriture résonne encore des mêmes accents de respect pour l’œuvre que Dieu a accomplie par son « travail » créateur lorsqu’il proclame : « Grandes et admirables sont tes œuvres, ô Seigneur Dieu tout-puissant », proclamation qui fait écho à celle du Livre de la Genèse dans lequel la description de chaque jour de la création s’achève par l’affirmation : « Et Dieu vit que cela était bon ».
Cette description de la création, que nous trouvons déjà dans le premier chapitre de la Genèse, est en même temps et en un certain sens le premier « évangile du travail ». Elle montre en effet en quoi consiste sa dignité : elle enseigne que, par son travail, l’homme doit imiter Dieu, son Créateur, parce qu’il porte en soi et il est seul à le faire l’élément particulier de ressemblance avec Lui. L’homme doit imiter Dieu lorsqu’il travaille comme lorsqu’il se repose, étant donné que Dieu lui-même a voulu lui présenter son œuvre créatrice sous la forme du travail et sous celle du repos. Cette œuvre de Dieu dans le monde continue toujours, comme l’attestent ces paroles du Christ : « Mon Père agit toujours… » ; il agit par sa puissance créatrice, en soutenant dans l’existence le monde qu’il a appelé du néant à l’être, et il agit par sa puissance salvifique dans les cœurs des hommes qu’il a destinés dès le commencement au « repos » en union avec lui, dans la « maison du Père ». C’est pourquoi le travail de l’homme, lui aussi, non seulement exige le repos chaque « septième jour », mais en outre ne peut se limiter à la seule mise en œuvre des forces humaines dans l’action extérieure : il doit laisser un espace intérieur dans lequel l’homme, en devenant toujours davantage ce qu’il doit être selon la volonté de Dieu, se prépare au « repos » que le Seigneur réserve à ses serviteurs et amis.
La conscience que le travail humain est une participation à l’œuvre de Dieu doit, comme l’enseigne le Concile, imprégner même « les activités les plus quotidiennes. Car ces hommes et ces femmes qui, tout en gagnant leur vie et celle de leur famille, mènent leurs activités de manière à bien servir la société, sont fondés à voir dans leur travail un prolongement de l’œuvre du Créateur, un service de leurs frères, un apport personnel à la réalisation du plan providentiel dans l’histoire ».
Il faut donc que cette spiritualité chrétienne du travail devienne le patrimoine commun de tous. Il faut que, surtout à l’époque actuelle, la spiritualité du travail manifeste la maturité qu’exigent les tensions et les inquiétudes des esprits et des cœurs : « Loin de croire que les conquêtes du génie et du courage de l’homme s’opposent à la puissance de Dieu et de considérer la créature raisonnable comme une sorte de rivale du Créateur, les chrétiens sont au contraire bien persuadés que les victoires du genre humain sont un signe de la grandeur divine et une conséquence de son dessein ineffable. Mais plus grandit le pouvoir de l’homme, plus s’élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires. On voit par là que le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs semblables : il leur en fait au contraire un devoir plus pressant ».
La conscience de participer par le travail à l’œuvre de la création constitue la motivation la plus profonde pour l’entreprendre dans divers secteurs : « C’est pourquoi les fidèles, lisons-nous dans la constitution Lumen gentium, doivent reconnaître la nature profonde de toute la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu ; ils doivent, même à travers des activités proprement séculières, s’aider mutuellement en vue d’une vie plus sainte, afin que le monde s’imprègne de l’Esprit du Christ et atteigne plus efficacement sa fin dans la justice, la charité et la paix… Par leur compétence dans les disciplines profanes et par leur activité que la grâce du Christ élève au-dedans, qu’ils s’appliquent de toutes leurs forces à obtenir que les biens créés soient cultivés…, selon les fins du Créateur et l’illumination de son Verbe, grâce au travail de l’homme, à la technique et à la culture de la cité… ».
C Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la Doctrine sociale de l’Église
258. Le sommet de l’enseignement biblique sur le travail est le commandement du repos sabbatique. Le repos ouvre à l’homme, lié à la nécessité du travail, la perspective d’une liberté plus pleine, celle du Sabbat éternel. Le repos permet aux hommes d’évoquer et de revivre les œuvres de Dieu, de la Création à la Rédemption, de se reconnaître eux- mêmes comme son œuvre et de rendre grâce pour leur vie et leur subsistance, à lui qui en est l’Auteur.
La mémoire et l’expérience du sabbat constituent un rempart contre l’asservissement au travail, volontaire ou imposé, et contre toute forme d’exploitation, larvée ou évidente. De fait, le repos sabbatique a été institué non seulement pour permettre la participation au culte de Dieu mais aussi pour défendre le pauvre ; il a aussi une fonction libératrice des dégénérescences anti-sociales du travail humain. »
294. Le travail est « le fondement sur lequel s’édifie la vie familiale, qui est un droit naturel et une vocation pour l’homme » : il assure les moyens de subsistance et garantit le processus éducatif des enfants.
Famille et travail, si étroitement interdépendants dans l’expérience de la grande majorité des personnes, méritent finalement une considération plus adaptée à la réalité, une attention qui les comprenne ensemble, sans les limites d’une conception privatiste de la famille et économiste du travail. À cet égard, il est nécessaire que les entreprises, les organisations professionnelles, les syndicats et l’État encouragent des politiques du travail qui ne pénalisent pas mais favorisent la cellule familiale du point de vue de l’emploi.
En effet, la vie de famille et le travail se conditionnent réciproquement de diverses façons. Les grandes distances à parcourir jusqu’au lieu de travail, le double emploi et la fatigue physique et psychologique réduisent le temps consacré à la vie familiale ; les situations de chômage ont des répercussions matérielles et spirituelles sur les familles, de même que les tensions et les crises familiales influent négativement sur les comportements et sur le rendement dans le domaine du travail.
D Christine Ponsard, La foi en famille, Nouan-le-Fuzelier
Un certain nombre de jeunes, enthousiastes et généreux, se donnent à fond dans des tâches bénévoles qui mangent la plus grande partie de leurs loisirs. « Je m’en réjouis, explique un père de famille. Mais, poursuit-il, là où je ne suis plus d’accord, c’est lorsque ces activités se mettent à déborder largement sur le temps qui devrait être réservé au travail scolaire ou universitaire ! Que l’un de nos fils soit chef scout et que sa sœur se dépense sans compter pour la préparation des Journées Mondiales de la Jeunesse, parfait ! Mais j’entends bien que cela ne les empêche pas de préparer sérieusement leurs examens. Après tout, c’est là leur premier devoir, leur devoir d’état ! »
L’expression « devoir d’état » peut sembler passablement désuète. Elle désigne pourtant une vérité toujours actuelle : chacun de nous, en fonction de son état de vie, est appelé à remplir certaines tâches prioritaires, qui passent avant les loisirs ou même des engagements qui, pour n’être pas secondaires, n’en sont pas moins seconds. Ainsi, le devoir d’état des parents est l’éducation des enfants : ce n’est pas leur seule mission, mais elle passe avant les autres activités, si louables soient-elles.
Pourquoi cette notion de « devoir d’état » est-elle importante ? « Parce que je veux que mes enfants préparent sérieusement leur avenir », répondrait peut-être le père de famille que nous citions plus haut. C’est une bonne raison. Mais, à la réflexion, ce n’est pas la véritable raison, la justification profonde de ce « devoir d’état » qui peut apparaître comme un empêcheur de danser en rond ou, plus exactement, comme un frein à la générosité, à l’enthousiasme.
« Des diplômes ? Il n’y a pas que ça dans la vie ! S’engager au service des autres ou pour l’évangélisation, c’est au moins aussi important ! » : voilà ce que les jeunes ont souvent envie d’opposer au « devoir d’état », « Les diplômes, il n’y a pas que ça dans la vie ! » : c’est vrai. Reste que les parents ont raison d’exiger de leurs enfants qu’ils travaillent sérieusement. Mais pourquoi ? Si c’est pour « réussir dans la vie », au sens d’une réussite matérielle – beaucoup d’argent, une grosse voiture – on comprend que ça ne motive guère des jeunes épris d’absolu… et que ça ne suffise pas à secouer l’inertie d’autres jeunes moins idéalistes, peu soucieux de se fatiguer à faire des études qui, pensent-ils, ne les empêcheront pas d’aboutir à l’ANPE.
Quel est le sens de notre vie ? Là est la vraie question. Car tous nos « devoirs » n’ont de valeur qu’en fonction de ce but ultime. Si, dans la foi, nous comprenons que Dieu est, finalement, le seul but de notre vie, cela va nous conduire à agir en fonction d’un seul critère : la volonté de Dieu. Pour reprendre l’exemple des études, l’Évangile ne nous demande pas d’arriver au Ciel bardés de diplômes, mais il nous demande incontestablement de faire fructifier les talents que Dieu nous a donnés, pour les mettre au service de nos frères. (…)
Le « devoir d’état » est un appel quotidien à répondre à l’amour de Dieu. Quand un jeune forme de grands projets, ne le freinons pas dans ces ambitions qui sont peut-être vocation. Mais aidons-le à découvrir qu’une maison se bâtit en commençant par les fondations et en posant les pierres l’une après l’autre, chacune à sa place. Ainsi en est-il des œuvres les plus belles : leur fécondité réelle vient de ce que chaque élément – chaque « oui » à l’appel de Dieu – a été posé à sa place, en son temps. Le devoir d’état n’est rien d’autre que l’adhésion concrète à l’extraordinaire dessein d’amour de Dieu sur nous. C’est ce qui fait sa grandeur.
E Père Yannick Bonnet, Les neuf fondamentaux de l’éducation
Le travail est une éducation. Nous en avons déjà plusieurs fois parlé d’une façon implicite. En fait, l’enfant développé et socialisé a déjà une expérience du travail. Pour acquérir des compétences, il a dû passer par des apprentissages parfois laborieux et « vingt fois sur le métier » remettre son ouvrage.
Tout apprentissage est un travail et y prépare. Le dicton populaire « C’est en forgeant qu’on devient forgeron » exprime cette solide vérité.
Mais le mobile, la motivation, n’est pas le bonheur : il s’agit de prendre confiance en soi en acquérant une valeur, scolaire, technique, artistique, sportive, professionnelle…
C’est ce travail qui a permis à l’enfant d’accéder à une réelle autonomie, qui a renforcé sa sécurité psychologique, qui lui a permis de contribuer au bien commun.
Il a rencontré des contraintes, inévitablement, et fait la connaissance de l’autre, maître d’école ou d’apprentissage, condisciples ou collègues ; il a dû mettre en œuvre des vertus morales : patience, persévérance, humilité. (…)
Le travail est bien une activité spécifiquement humaine, qui consiste à prolonger l’œuvre de Dieu en humanisant son ouvrage. Avant le péché originel, cette activité n’est donc ni une nécessité vitale ni une fatigue, mais une activité de seigneur pour cette créature faite à l’image de Dieu.
Le péché originel ne lui retire pas cette dimension,mais il l’alourdit du poids de la nécessité et de la fatigue. Dans les deux chapitres précédents, nous avions abordé le travail sous l’angle de la nécessité et de la difficulté, ce qui est, au demeurant, utile pour « construire » une personne adulte et responsable.
Il faut cependant restituer au travail sa qualité d’activité pleine de noblesse, qui grandit l’homme : l’histoire, la géographie humaine, l’art et la culture, l’instruction, la santé, l’aménagement des territoires, l’industrie, le commerce, etc., tout témoigne de cette activité de l’homme, qui déploie son intelligence et sa volonté pour aménager le monde dans lequel il vit. C’est aussi une activité écologique, au sens d’une écologie humaine ; l’homme aménage son milieu pour ne pas disparaître comme les espèces animales, incapables de s’adapter au changement de leur environnement. Cette écologie humaine doit respecter la planète et ses grands équilibres des règnes minéral, végétal et animal. Déjà au XVIe siècle, le savant anglais Francis Bacon disait : « On ne domine la nature qu’en lui obéissant. » Il soulignait ainsi que pour dominer la création, pour l’humaniser, il faut apprendre à la connaître et la respecter.
L’idéologie « économiste », qui fait de l’argent une fin et non un moyen, produit trop souvent, hélas, un véritable dévoiement des activités productrices, agricoles et industrielles, les incite à croître aveuglement et brutalement au détriment de l’avenir de la planète. Cette idéologie a donc entraîné, par réaction, la naissance d’une idéologie « écologiste », qui produit des excès non moins nuisibles à l’humanité. En effet, pour certains, l’homme est un prédateur dont la disparition n’aurait aucun caractère catastrophique… – si, du moins, elle arrivait – quand eux ne seront plus de ce monde !
Pour nous, vivent l’économie et l’écologie résolument au service de l’homme ! C’est plus exigeant, mais c’est plus sain. Une saine écologie devient alors un travail au sens noble du terme, mais également aux deux sens incontournables de difficulté laborieuse et de nécessité vitale.
Le travail n’est pas toujours lié à l’économie marchande et la rémunération du travail n’est pas ce qui lui confère ou lui ôte sa noblesse. On peut avoir un travail très lucratif, mais déshumanisant pour le travailleur ou déshumanisant en raison de ce qu’il produit. Et on peut avoir un travail bénévole ou non rémunéré (celui de la mère au foyer), dont le caractère humanisant n’est pas discutable.
F Yannick BONNET, Être heureux au travail
– Travailler avec ardeur par amour pour les siens donne un sens à la vie de travail, mais le bonheur au travail suppose un équilibre familial préservé.
– La famille éducatrice prépare les futurs adultes au monde du travail par l’exemple qu’elle donne dans la famille et clans le monde du travail.
– L’entreprise a donc intérêt à sauvegarder la vie de famille si elle veut pouvoir continuer à embaucher des jeunes préparés à une vie de travail.
– La politique familiale comme le droit du travail doivent prendre en compte le rôle spécifique de la femme, investisseuse irremplaçable pour la nation.
– Les couples doivent négocier dès le départ et tout au long de leur vie le maintien de cet équilibre essentiel entre vie familiale et vie professionnelle.
– Le bonheur passe toujours par du réalisme et des compromis.
TD5 : La famille autour de l’Eucharistie
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Préparation en foyer
I – La Sainte Messe
Quelles sont les figures de l’Eucharistie dans l’Ancien Testament évoquées dans le Canon dela Messe ? En voyez-vous d’autres ?
Pourquoi dit-on que le sacrifice eucharistique est source et sommet de la vie de l’Église ?
Puisque tous les sacrements sont relatifs à l’Eucharistie, quel lien y a-t-il entre le mariage etl’Eucharistie ?
Comment, pratiquement, une famille peut-elle imiter l’Église fondée sur l’Eucharistie ?
II – La communion
Quelle est l’utilité de communier ? La communion pendant la messe a-t-elle une valeur
spéciale ?Comment se préparer à une communion eucharistique la plus féconde possible ?
« Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque
chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ;
puis reviens, et alors présente ton offrande. » ( Mt 5,23-24)Quelle place faire, entre époux et comme éducateurs, à cette parole du Christ en lien avec la
communion ?Comment aider un adolescent qui ne communie plus ?
III – L’adoration
Comment initier les enfants à l’adoration ?
Piste de résolutions en foyer : est-ce que nous adorons assez ensemble ? Quelle grâce
demander pour notre esprit d’adoration ?
Annexes
Le calice de bénédiction, que nous bénissons, n’est-il pas la communion au sang du Christ ? et le pain que nous rompons n’est-il pas la communion au corps du Seigneur ? Car, quoique nombreux, nous ne sommes qu’un seul pain et un seul corps, nous tous qui participons à un même pain. ( 1Co 10,16-17)
Saint Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia, 17 avril 2003
1. L ’Église vit de l’Eucharistie (Ecclesia de Eucharistia vivit).
Cette vérité n’exprime pas seulement une expérience quotidienne de foi, mais elle comporte en synthèse le cœur du mystère de l’Église. Dans la joie, elle fait l’expérience, sous de multiples formes, de la continuelle réalisation de la promesse : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).
Mais, dans l’Eucharistie, par la transformation du pain et du vin en corps et sang du Seigneur, elle jouit de cette présence avec une intensité unique. Depuis que, à la Pentecôte, l’Église, peuple de la Nouvelle Alliance, a commencé son pèlerinage vers la patrie céleste, le divin Sacrement a continué à marquer ses journées, les remplissant d’espérance confiante. À juste titre, le Concile Vatican II a proclamé que le Sacrifice eucharistique est « source et sommet de toute la vie chrétienne ». « La très sainte Eucharistie contient en effet l’ensemble des biens spirituels de l’Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant, qui par sa chair, vivifiée par l’Esprit Saint et vivifiante, procure la vie aux hommes ».
C’est pourquoi l’Église a le regard constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le Sacrement de l’autel, dans lequel elle découvre la pleine manifestation de son immense amour.
3. L’Église naît du mystère pascal. (…)
L’Eucharistie, sacrement par excellence du mystère pascal, a sa place au centre de la vie ecclésiale. On le voit bien dès les premières images de l’Église que nous donnent les Actes des Apôtres : « Ils étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières » (2, 42). L’Eucharistie est évoquée dans la « fraction du pain ».
Deux mille ans plus tard, nous continuons à réaliser cette image primitive de l’Église. Et tandis que nous le faisons dans la célébration de l’Eucharistie, les yeux de l’âme se reportent au Triduum pascal, à ce qui se passa le soir du Jeudi saint, pendant la dernière Cène, et après elle. En effet, l’institution de l’Eucharistie anticipait sacramentellement les événements qui devaient se réaliser peu après, à partir de l’agonie à Gethsémani. Nous revoyons Jésus qui sort du Cénacle, qui descend avec ses disciples pour traverser le torrent du Cédron et aller au Jardin des Oliviers. (…) Ce soir-là, le Christ en prière ressentit une angoisse mortelle et « sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’à terre » (Lc 22, 44). Son sang, qu’il avait donné à l’Église peu auparavant comme boisson de salut dans le Sacrement de l’Eucharistie, commençait à être versé.
Son effusion devait s’achever sur le Golgotha, devenant l’instrument de notre rédemption : « Le Christ…, grand prêtre des biens à venir…, entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle » (He 9, 11-12).
11. Le Sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang (…)
Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent et ainsi « s’opère l’œuvre de notre rédemption ». Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous y avions été présents. Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les fruits d’une manière inépuisable. Telle est la foi dont les générations chrétiennes ont vécu au long des siècles. Cette foi, le Magistère de l’Église l’a continuellement rappelée avec une joyeuse gratitude pour ce don inestimable. Je désire encore une fois redire cette vérité, en me mettant avec vous, chers frères et sœurs, en adoration devant ce Mystère : Mystère immense, Mystère de miséricorde. Qu’est-ce que Jésus pouvait faire de plus pour nous ?
Dans l’Eucharistie, il nous montre vraiment un amour qui va « jusqu’au bout » (cf. Jn 13, 1), un amour qui ne connaît pas de mesure.
B Saint Jean-Paul II, Familiaris consortio, 22 novembre 1981
57. Le devoir de sanctification qui incombe à la famille chrétienne a sa racine première dans le baptême et sa plus grande expression dans l’Eucharistie à laquelle le mariage chrétien est intimement lié. Le Concile Vatican II a voulu rappeler la relation spéciale qui existe entre l’Eucharistie et le mariage en demandant que « le mariage soit célébré ordinairement au cours de la messe » : il est absolument nécessaire de découvrir et d’approfondir cette relation, si on veut comprendre et vivre intensément les grâces et les responsabilités du mariage et de la famille chrétienne. L’Eucharistie est la source même du mariage chrétien. Le sacrifice eucharistique, en effet, re- présente l’alliance d’amour entre le Christ et l’Église, en tant qu’elle a été scellée par le sang de sa croix.
C’est dans ce sacrifice de la nouvelle et éternelle Alliance que les époux chrétiens trouvent la source jaillissante qui modèle intérieurement et vivifie constamment leur alliance conjugale. En tant que représentation du sacrifice d’amour du Christ pour l’Église, l’Eucharistie est source de charité. Et dans le don eucharistique de la charité, la famille chrétienne trouve le fondement et l’âme de sa «communion»et de sa «mission»: lePain eucharistique fait des différents membres de la communauté familiale un seul corps, une manifestation et une participation à la vaste unité de l’Église ; d’autre part, la participation au Corps « livré » et au Sang « versé » du Christ devient pour la famille chrétienne une source inépuisable de dynamisme missionnaire et apostolique.
Saint Thomas d’Aquin, commentaire de l’évangile selon Saint Jean, ch. 6, n. 972
« Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. »
L’utilité de cette manducation est donc grande puisqu’elle donne la vie éternelle, ce qui fonde l’affirmation du Seigneur. Cette nourriture spiri- tuelle, en effet, est semblable en quelque sorte à la nourriture corporelle en ce sens que, sans elle, il ne peut y avoir de vie spirituelle, pas plus qu’il ne peut y avoir de vie corporelle sans nourriture corporelle, comme on l’a dit. Mais en outre, il lui appartient de causer une vie sans fin en celui qui la prend, ce que la nourriture cor- porelle ne réalise pas. En effet, ce n’est pas pour l’avoir prise qu’on vivra, car, comme le dit Augustin, “il peut se faire que, par la vieillesse, la maladie ou quelque autre cause, ceux qui l’ont prise meurent”. Au contraire, celui qui prend cette nourriture et cette boisson, c’est-à- dire celle du corps et du sang du Seigneur, « a la vie éternelle».
C’est pour cela qu’elle est comparée à l’arbre de vie : C’est un arbre de vie pour celui qui l’aura saisie (Prov 3, 18), et de là vient qu’elle est appelée pain de vie : La Sagesse l’a nourri d’un pain de vie et d’intelligence (Sir 15, 3). Il dit donc « la vie éternelle », parce que celui qui mange ce pain a en lui le Christ qui est le Dieu véridique et la vie éternelle (1 Jn 5, 20). Mais celui-ci a la vie éternelle qui mange et boit comme il le faut : non seulement sacramentellement, mais aussi spirituellement. En effet, celui-ci mange et boit sacramentellement qui se limite à consommer ce sacrement ; mais il mange et boit spirituellement, celui qui at- teint la réalité du sacrement dans ses deux dimensions : l’une signifiée et contenue, qui est le Christ dans son intégrité, caché sous les espèces du pain et du vin ; l’autre signifiée mais non pas contenue : le corps mystique du Christ, qui est dans les prédestinés, les appelés, les justifiés (Rm 8, 29-30).
Ainsi donc, il mange la chair et boit le sang spirituellement en référence au Christ contenu et si- gnifié, celui qui lui est uni par la foi et la charité, de telle sorte qu’il est transformé en lui et en devient membre. En effet, cette nourriture ne se change pas en celui qui la prend ; elle le change en elle, d’après ce passage d’Augustin : “Je suis la nourriture des grands ; grandis et tu me mangeras. Et tu ne me changeras pas en toi, comme la nourriture de ta chair ; mais c’est toi qui seras changé en moi”. Et c’est pourquoi elle est la nourriture qui a le pouvoir de diviniser l’homme et de l’enivrer de la divinité. Il en va de même en référence au corps mystique seulement signifié si celui qui communie devient participant de l’unité de l’Église.
Donc, celui qui mange ainsi « a la vie éternelle ». En référence au Christ, on l’a suffisamment mon- tré. De même en référence au corps mystique, il aura nécessairement la vie éternelle s’il persévère. En effet, l’unité de l’Église est réalisée par l’Esprit Saint — Il n’a qu’un corps et un Esprit (Ep 4, 4) —, qui d’après le début de l’épître est le gage de notre héritage (Ep 1, 14). Elle est donc grande, l’utilité de cette nourriture, puis- qu’elle donne la vie éternelle à l’âme. Mais elle est grande encore parce qu’elle donne la vie éternelle au corps.
Vatican II, Constitution Dogmatique Lumen gentium, 21 novembre 1964
3. Le Fils est donc venu, envoyé par le Père qui nous a choisis en lui dès avant la création du monde et nous a prédestinés à être ses enfants adoptifs, parce qu’il lui a plu de tout réunir en lui (cf. Eph. 1, 4-5 et 10). C’est pourquoi le Christ, afin d’accomplir la volonté du Père, a inauguré ici-bas le royaume des cieux, nous a révélé le mystère du Père et, par son obéis- sance, a opéré la rédemption. L’Église, qui est le royaume du Christ déjà présent sous une forme mystérieuse, croît visiblement dans le monde grâce à la puissance de Dieu. Ce commence- ment et cette croissance sont signifiés par le sang et l’eau qui sortent du côté de Jésus cruci- fié (cf. Jn 19, 34) et annoncés par les paroles du Seigneur concernant sa mort en croix : « Et Moi, quand je serai élevé de terre, j’attirerai tout à Moi » (Jn 12, 32 gr.). Chaque fois que le sacrifice de la croix, par lequel « le Christ, notre Pâque, a été immolé » (I Cor. 5, 7), est célébré sur l’autel, l’œuvre de notre rédemption se réalise. En même temps le sacrement du pain eucharis- tique représente et produit l’unité des fidèles, qui constituent un seul corps dans le Christ (cf. I Cor. 10, 17). Tous les hommes sont appelés à cette union avec le Christ, qui est la lumière du monde, de qui nous venons, par qui nous vi- vons, vers qui nous tendons.